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Légende des sept rochers de Saint-Mihiel

Située entre Commercy et Verdun, la petite ville de Saint-Mihiel apparaît dans le site enchanteur d’un cirque tapissé de prairies et dominé par deux collines boisées, au confluent de la Meuse et de la petite rivière de Marsoupe. Les sept rochers qui s’alignent au Nord de la ville et que l’on désigne à Saint-Mihiel sous le nom de « Dames de Meuse » sont parmi les plus spectaculaires de la région. L’imagination populaire, empreinte de merveilleux et de surnaturel, enfanta une curieuse légende au sujet des sept rochers.

Dames de la Meuse
Les Dames de la Meuse sont des rochers emblématiques de Saint-Mihiel (Crédits photo : Sitlor)

A l’époque fort lointaine où la ville de Saint-Mihiel s’appelait encore Godonécourt, sept méchantes fées, douées de pouvoirs immenses, résolurent d’engloutir la cité sous les eaux en précipitant dans la Meuse sept gros rochers arrachés aux carrières voisines. Elles se réunirent donc, par une nuit de pleine lune, et demandèrent à leur peuple de gnomes et de farfadets d’aller prendre, dans les collines de la région, sept rocs énormes et de les apporter au sommet de la côte qui domine la ville. A grand-peine, les petits êtres s’exécutent. Ils peinent. Ils suent et ils triment comme de vrais diables. Ils passent tout un printemps, et même tout un été, à cette besogne pénible que leur ont confié les mauvaises fées. Mais à force de labeur, par un soir de septembre, voilà que les rochers sont prêts. Sept rocs, alignés le long de la Meuse et prêts à être précipités dans ses eaux paisibles.

Et voilà que les sept fées, tout en savourant déjà leur sordide vengeance, s’arment de leviers gigantesques. Elles les calent sous les rochers. Elles tirent. Elles s’activent. On les entend soupirer et ahaner bruyamment. Les roches commencent à bouger. La plus petite est déjà prête à se retourner sur elle-même ! Si elle dévale la côte, quels dégâts va-t-elle commettre !

Saint Michel
L’archange Michel dans La Chute des anges rebelles de Luca Giordano (vers 1666)

Mais voilà qu’en cette nuit d’automne, au milieu des étoiles, fendant le firmament et armé de son glaive de lumière surgit Michel, le célèbre archange. Le prince des milices célestes est entouré d’une armée d’anges. Il commande aux séraphins et aux petits chérubins. Tous descendent du ciel sur un rayon de lune. Une musique céleste résonne dans toute la vallée. Les fifres et les tambours, les psaltérions et les cymbales et mille autres instruments parviennent à peine à couvrir le bruit que font les écus sur les hauberts. Il y a là tant de lances, d’épées et de cuirasses, tant d’archanges et de soldats du Christ que les fées, en voyant cette armée, prennent peur et commencent à trembler.

– Qu’est-ce que cela signifie ? demande la plus jeune.

– Je l’ignore ! réplique la plus âgée. Mais tout ce tintamarre est un mauvais présage. Si nous restons ici, nous serons massacrées. Souvenez-vous de ce serpent que Michel a tué au-dessus de ce mont qu’entourent les marées ! Il nous réservera le même sort, à n’en pas douter !

– Alors fuyons, mes sœurs ! Et advienne que pourra ! Nous reviendrons un jour terminer la besogne. Et les rochers énormes finiront dans la Meuse. Et la ville toute entière sera engloutie sous les eaux !

Les sept fées laissèrent là leurs immenses leviers. Elles abandonnèrent le chantier et les sept gros rochers. Lesquels gros rochers sont toujours là, à l’entrée de la ville, prêts à finir leur course dans le lit de la Meuse. Les fées reviendront-elles un jour ? Arriveront-elles, dans l’avenir, à jeter ces rochers dans le fleuve et à noyer la cité ? Cela, hélas, est impossible à dire et aucun devin ne peut affirmer quel sera l’avenir de Saint-Mihiel.

Et pourtant, cet événement ancien, que les plus cartésiens prendront pour un vulgaire conte a bouleversé l’histoire de ce charmant coin de Lorraine. Car depuis le sauvetage in extremis de la cité par le prince des milices célestes, la cité de Godonécourt a décidé de se nommer Saint-Mihiel. Un nom un peu étrange, certes, mais qui signifie simplement, dans la langue que l’on emploie sur les rives de la Meuse, « Saint-Michel ». Bien plus tard, vers l’an 709, le Comte Wulfoade et son épouse Adalsinde résolurent de fonder en ces lieux un monastère dédié à l’Archange Saint Michel, confirmant ainsi le lien qui unit le saint à cette charmante ville de Lorraine.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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