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Situation du Lorrain roman et du Vosgien en Lorraine

Paysage de la campagne lorraine à Médonville (Crédits photo : Thomas RIBOULET pour le Groupe BLE Lorraine)

En dehors du cercle de certaines associations patoisantes, le Lorrain ne se parle malheureusement plus depuis 1930 et le Vosgien depuis 1950. Il s’agit cependant d’une moyenne car dans certains villages on ne parlait plus Lorrain dès le début du XXème siècle alors qu’à Fontenoy-la-Joûte, près de Baccarat, il y avait encore bien après douze personnes qui le parlaient et l’employaient quand elles se rencontraient.

Il faut savoir que le Lorrain roman, dont le Vosgien, est une langue rurale. Dans les petites villes comme Vézelise, on ne le parlait plus depuis 1600, mais on le parlait encore à Malzéville, commune limitrophe de Nancy, jusqu’en 1900. Dans les Vosges, quand on dit qu’on parlait Vosgien à Gérardmer, il faut comprendre les alentours. On ne le parlait pas au centre-ville mais je pense que les commerçants comprenaient le Vosgien local. Même si le Lorrain roman est une langue de la campagne, ça n’interdit pas un à jeune citadin de l’apprendre et de connaître la vie qui l’entourait. Je ne suis pas Vosgien mais j’aime les parlers des Vosges et tout le mode de vie qui va avec, à savoir la vie sur les Hauts, le schlittage, etc.

Dans mon enfance, je vais avoir 57 ans, on ne parlait plus Lorrain mais on en employait quantité de mots. Je m’en suis aperçu au lycée car certains ne me comprenaient pas. Ce n’est pas le côté péjoratif le problème, mais la confusion qu’il y a quand on dit patois entre le Lorrain, la langue d’Oïl, et le Français régional qu’on entend encore aujourd’hui : « comment qu’c’est gros ? », « nâreux », « schneck », « ça meule ». Pour les jeunes, le patois lorrain, c’est ça puisqu’ils n’ont jamais ni lu ni entendu la moindre expression en Lorrain. C’est que j’essaie de faire par ma page Facebook Lorrain (langue romane).

Un autre problème est que si le renouveau des langues régionales a eu lieu en France dans les années 1970, il fut au contraire assez tardif en Lorraine, autour des années 1990. La majorité des groupes ont été créés par de vieilles personnes dont le but premier était par exemple de se retrouver en parlant Vosgien. On ne conçoit pas non plus une réunion de patois sans une petite collation après. Les anciens, à la campagne, n’ont pas l’habitude de rester cloîtrés et ont besoin de se parler, de se rencontrer. Deux groupes échappent cela dit à cette règle : le groupe welche de Labaroche (Val-d’Orbey) et le groupe du Val-d’Ajol. Le premier a été créé assez tôt par des jeunes qui ont gardé le même esprit militant. Quant au Val-d’Ajol, apparemment, le groupe semble avoir un bon dirigeant. Et tous n’ont pas le même but. Certains groupes veulent sauvegarder une langue et la faire vivre, tandis que d’autres veulent conserver un patrimoine, un peu comme un château en ruines qu’on consolide mais pas plus.

Contrairement aux autres groupes de sauvegarde de langues d’Oïl, il n’y a pas de volonté de créer un Vosgien standard dans les Vosges et c’est tant mieux. Employer des dialectes différents n’a jamais empêché l’intercompréhension comme dans la phrase ci-dessous en Vosgien des différentes vallées : « Il fait beau aujourd’hui et nous pouvons sortir. »

Fraize (Saint-Dié-des-Vosges) : « i fait bî èneût et j’p’os reuhhi fûs » (à Fraize, « èneût » veut dire aujourd’hui maintenant et « audjud’(h)eû » simplement aujourd’hui).

Gérardmer : « è fât bé ènêyt et j’pwèyons éhhi fîs »

La Bresse : « è fât bé èneût et nos pwèyos euhhi fieus »

Le Thillot : « è fât bé auj’d’(h)eû et nos pouyõs euchi fieus »

La même phrase en Welche :

Labaroche : « è fait biè èneût et nos p’os reuchi fûs »

Sainte-Marie-aux-Mines : « ei fait bé auhoud'(h)eû et nos povans reuhhi fieuse ».

Depuis que je m’intéresse au Lorrain, c’est ce que j’ai vécu. D’abord en allant dans les groupes messins et du Saulnois, puis dans les Vosges à Gérardmer et à Neuvillers-sur-Fave et plus ponctuellement à Xertigny. A Neuvillers, le groupe était assez actif. Il y faisait du théâtre tout en Vosgien, avant d’arrêter parce les spectateurs ne comprenaient pas et surtout car ils ne voulaient pas faire l’effort de comprendre avec le texte en patois sous leurs yeux.

Rédigé par André TOUCHET

Amoureux des langues régionales et de la Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

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6 Commentaires

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  1. Ma maman, née en 1913, le parlait et le comprenait, ses cousins, aussi de la même époque, tous originaire de laneuveville au bois et Mouacourt, c’était le patois de Lunéville, évidement plus personne dans la famille ne le parle !

  2. Il n’est pas exact de dire que le lorrain roman est une langue exclusivement rural. Si cette langue n’était plus parlée qu’à la campagne à la fin du XIXe siècle et après, cela n’a pas toujours été le cas. On parlait patois dans les rue de Metz jusqu’en 1830. Léon Zéliqzon qui a écrit le dictionnaire patois au XXe siècle était un universitaire, donc pas vraiment un “paysan”.
    La bourgeoisie de Verdun parlait patois à la maison au milieu du XIXe siècle. On aussi faisait des représentations de théâtre en patois.
    L’abandon du patois à Nancy dès le XVIIe siècle, peut-être même plus tôt, est en fait une exception due à la cour de Lorraine dirigée très tôt par des princes non lorrains qui “singeaient” la cour de France et qui par effet de courtisans l’on imposés à la ville.

  3. Vers 1880 l’académie Stanislas, à Nancy a relevé environ 180 variantes de patois lorrain …..
    Sa disparition est due a deux facteurs:
    – L”éducation nationale : vers 1950 notre institutrice nous a lu une circulaire de l’inspection d’académie, celui qui utilisait des mots patois ou du style septante et nonante devait rendre TOUS ses bons-points et images .
    – L”industrie : à Fraize, les industriels étaient locaux ! Au début des années 80 on parlait encore patois dans les usines…..
    A Senones, Boussac n’était pas de la région … Le patois était déjà proscrit à la fin des années 50 ! ! !
    NOTE: Chez moi on ne parlait pas du tout patois: Mon grand père paternel était de Senones et ma grand mère Alsacienne. Mon grand père maternel était de la région de Lunéville et ma Grand mère de Senones

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