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Maison Heler à Metz

La Maison Heler à Metz (Crédits photo : Pierre LEHMANN pourle Groupe BLE Lorraine)

Perchée tout là-haut sur un immeuble de béton, la Maison Heler, souvent surnommée l’Hôtel Starck, a ouvert, après de longues années d’attente, les portes de son univers fantasmagorique fin mars 2025 dans le Quartier de l’Amphithéâtre à Metz. L’établissement promet à ses hôtes de vivre une expérience hors du commun à deux pas du Centre Pompidou-Metz.

Cet hôtel quatre étoiles intégré à la collection Curio du groupe international Hilton est le tout premier hôtel au monde entièrement conçu par le célèbre designer français Philippe Starck. Celui-ci l’a imaginé selon le conte pataphysique La vie minutieuse de Manfred Heler qu’il a lui-même écrit. Starck y décrit la personnalité de cet homme qui a vécu à Metz durant la période de l’entre-deux guerres. Ayant hérité de ses parents d’une grande maison, Manfred est un jeune homme extravagant, fragile et solitaire qui pourrait bien être le double de Starck. Ingénieux et minutieux, curieux de tout, Manfred Heler s’ennuyait dans sa maison. Pour égayer son quotidien, il inventait tout un tas d’objets plus fantasques les uns que les autres. Le décor réalisé avec soin et précision de l’hôtel rappelle la passion de ce personnage, à l’image de cette enclume en plâtre ou de cette hache à deux bouts. Autant de symboles, de surprises impromptues et de jeux mentaux destinés à susciter la curiosité des visiteurs. Le conte de Philippe Starck met également en scène le Niou, un pygmée qui habite à l’autre bout de la Terre. Le Niou a construit une tour qui, en s’enfonçant inexorablement dans de la vase, est ressortie sous la maison de Manfred Heler après avoir traversé le centre de la Terre. La tour du Niou a poussé dans les airs la demeure de Manfred qui se retrouve ainsi perchée à plusieurs dizaines de mètres de hauteur au-dessus de Metz.

Villa Salomon Metz
Philippe Starck s’est inspiré de la Villa Burger dite Salomon pour son hôtel à Metz (Crédits photo : Pierre LEHMANN pour le Groupe BLE Lorraine)

L’imagination débordante de Philippe Starck aurait trouvé son inspiration lorsque le designer déambulait un beau jour Avenue Foch à Metz. La vision de la Villa Burger dite Salomon lui aurait alors apparue telle une révélation. Avec son balcon de style gothique flamboyant, sa poivrière pointue parée de bois, ses colombages sculptés et sa porte latérale d’inspiration Renaissance, cette belle demeure bourgeoise est un modèle d’éclectisme qui dénotait déjà dans le paysage messin au moment de sa construction en 1903 pour la veuve Anna Salomon. Starck a alors eu l’idée de mettre sur un piédestal une réplique de cette synthèse de l’architecture messine à travers les siècles pour la faire surgir de la skyline de la ville telle une fantasmagorie. La maison avec sa tourelle parée d’aluminium apparaît désormais de manière insensée sur le toit d’un monolithe de béton matricé de quarante mètres. Cette audace vise à nous faire croire que cette tour aurait été extrudée du sol, comme dans le conte.

Villa Salomon poivrière
Poivrière de la Villa Salomon dans le Quartier Impérial à Metz (Crédits photo : Pierre LEHMANN pour le Groupe BLE Lorraine)

Le projet initial a pourtant évolué au fil des idées loufoques du conte de Philippe Starck et des contraintes techniques liées au classement du bâtiment en tant qu’immeuble de grande hauteur. Afin de contourner ces difficultés, un nouveau permis de construire a ainsi été déposé pour raboter l’immeuble d’un étage. Les tuiles rouges qui devaient orner la réplique de la Villa Salomon ont de même été remplacées par du zinc, ce qui a généré un coût supplémentaire de 400 000 euros. Par ailleurs, l’espace vert qui devait accueillir un verger de mirabelliers au pied de l’immeuble a été réduit et planté d’autres essences. En lieu et place, c’est une terrasse, accessible depuis le rez-de-chaussée, qui a été réalisée. Elle est composée d’une mosaïque de petits cubes noirs et blancs et est parsemée d’arbres. Les abords de la Maison Heler sont d’ailleurs agrémentés de plusieurs dizaines d’arbres censés apporter de la fraîcheur aux clients de l’hôtel. Une haie très fournie a en parallèle été plantée du côté de la Rue Jean Laurain pour isoler l’ensemble de l’environnement urbain et du bâtiment du Crédit Agricole de Lorraine, tandis que près de 400 lierres, pachysandras et autres jasmins rampants ont été installés autour du parking. Au total, ce sont plus d’un millier d’arbres, d’arbustes et de végétaux qui ont été mis en terre dans le cadre de la réalisation de la Maison Heler.

Maison Manfred perchée
La Maison de Manfred semble flotter dans le ciel messin (Crédits photo : Maison Heler – Hilton)

C’est véritablement à l’intérieur de l’établissement de 104 chambres que se matérialise le conte pataphysique, qui fait la part belle aux sciences de l’imaginaire, de Philippe Starck, afin de faire vivre une expérience inédite aux visiteurs. Le hall d’accueil arbore en effet un mur de faïences argentées animé par une vidéo et des vitrines qui font penser à un cabinet de curiosités du début du siècle dernier. Au sol, la moquette reprend les lettres d’un alphabet-rébus dans lequel le cœur est un C, la serrure un E, la fusée un F et la rose un R. Partout dans l’hôtel se cachent des signes ésotériques tout droit sortis du conte de Starck. L’atmosphère décrit dans le livre se décline aussi dans la brasserie du rez-de-chaussée dédiée à Rose, la bien-aimée de Manfred Heler. Avec ses colonnes de béton lisse, son bar rose, ses faïences et sa vaisselle, La Cuisine de Rose a été entièrement thématisé. En y levant les yeux, on peut d’ailleurs apercevoir un avion suspendu, celui-là même qu’auraient emprunté Manfred et le Niou pour gagner les airs. L’appareil est aussi un clin d’œil à l’enfance de Phillipe Starck, dont le père dessinait des modèles d’avions. Au moment de se diriger vers l’ascenseur pour rejoindre les étages, on ne peut s’empêcher de penser au fameux « ding » que Manfred Heler cherche dans la maison. Lorsque la porte de l’ascenseur s’ouvre, il trouve un petit bonhomme brûlé collé au plafond. C’est le Niou qui vient de traverser la Terre et son magma.

Cuisine de Rose
La Cuisine de Rose (Crédits photo : Maison Heler – Hilton)

L’hôtel compte environ seize chambres à chaque étage. Elles semblent toutes cachées derrière des portes que l’on a du mal à deviner dans la pénombre des longs couloirs éclairés parcimonieusement et dont les murs exposent en enfilade des photos datées d’inventions étranges qui nous plongent dans un curieux décor d’entre-deux guerres. L’atmosphère minérale des chambres, avec leur béton ciré aux murs et au plafond, rappelle la rudesse de la tour. Leur mobilier en cuir et en bois ajoute une ambiance feutrée et intimiste. Leur décoration est simple et repose sur l’alliance du béton, du bois et du marbre blanc. Un mélange clair-obscur qui fait osciller entre matière brute et modernité. L’alphabet énigmatique conçu par Philippe Starck se dissimule dans les dressings de toutes les chambres. L’unique baignoire de l’hôtel se trouve dans la suite Manfred qui dispose également d’une entrée, d’un salon, de deux chambres, de deux dressings et de deux salles de bains.

Maison de Manfred
Entrée de la Maison de Manfred au neuvième étage (Crédits photo : Maison Heler – Hilton)

La fameuse maison de Manfred Heler, réplique de la Villa Salomon décrite précédemment, culmine quant à elle au neuvième étage. Elle abrite un bar, un espace lounge et une brasserie gastronomique. Sa porte s’ouvre sur un imposant bar en U au carrelage orange. Chacun des trois espaces constitue en quelque sorte un cabinet de curiosité truffés de détails et d’objets insolites, à l’image d’un serpent conservé dans un bocal de formol ou d’un surréaliste marteau de cristal posé sur un coussin de velours. Soient autant d’allusions au personnage de Manfred Heler et à Philippe Stark lui-même connu pour son presse-agrume en forme de calamar, beau mais totalement inefficace. La salle à manger de la brasserie gastronomique présente plus spécifiquement des murs blancs faïencés sur lesquels sont affichés des archives du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) qui illustrent plusieurs inventions farfelues du XIXème siècle. Les lieux sont imprégnés d’un mobilier noir et parsemés de coussins, de moquettes-rébus et d’abat-jour orangés qui apportent une touche de couleur. Les chaises et les fauteuils moelleux, ainsi que les photos de Manfred à chaque âge de sa vie, tout comme le Kachelofen typique de la Lorraine germanophone ou encore la vaisselle de la grand-mère de Manfred décorée de motifs floraux et de l’alphabet-rébus donnent à la pièce une atmosphère cosy et surannée, dans laquelle on se sent bien comme à la maison. A noter que toutes les fenêtres du neuvième étage sont ornées des extraordinaires vitraux d’Ara Starck, la fille de Philippe Starck. Réalisés dans le plus grand secret de l’Atelier Salmon à Lorry-lès-Metz, ils apportent des couleurs vives à un intérieur résolument voulu sombre. Ara Starck y développe un univers industriel et fantastique, où se mêlent forges et outils, mais aussi aigles, serpents et rivières abondantes. Ils renvoient dans un autre style et à leur manière aux vitraux aux tournesols, fleurs fétiches du Jugendstil, l’Art Nouveau allemand, qui garnissent le bow-window de la Villa Salomon de Metz. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les lampadaires Tournesol du parvis de la gare de Metz, dénommés ainsi car leur tête s’incline à la tombée de la nuit, dessinés par un certain Philippe Starck en 1994. Les clients de l’hôtel peuvent s’asseoir le long des superbes vitraux d’Ara Starck, dont la partie basse est volontairement transparente, pour qu’ils puissent contempler la cité messine. D’ailleurs, le restaurant gastronomique s’ouvre sur une terrasse panoramique filante qui offre sans doute l’une des plus belles vues de Metz et qu’il est possible de contempler en prenant son brunch ou son déjeuner à la belle saison. Sept photinias, arbustes ramassés en boules foncées, et un érable japonais aux petites feuilles finement ciselées ajoutent une touche de nature bienvenue tout en haut du monolithe minéral. 250 lierres, qui ont l’avantage de rester verts toute l’année, retombent également depuis le neuvième étage sur les façades de béton et de verre de la Maison Heler.

vitraux Maison Heler
Vitraux d’Ara Starck dans la brasserie gastronomique (Crédits photo : Maison Heler – Hilton)

Après des années de chantier, la Maison Heler est donc spectaculairement sortie de terre pour devenir un nouvel emblème de Metz. L’hôtel, qui a sans doute représenté un investissement de plus de 25 millions d’euros et qui fait désormais partie des établissements de luxe et de caractère de la gamme Curio de la chaîne Hilton, vient accompagner la montée en gamme de l’offre hôtelière à Metz. Outre l’Hôtel MGallery de la Citadelle et la rénovation du Mercure Centre, un nouvel hôtel quatre étoiles est en effet annoncé d’ici quelques années sur la Place de la Comédie. D’ici là, il se murmure que le Niou pourrait inviter chez lui Hermann, le frère jumeau de Manfred. La suite des aventures de la Maison Heler pourrait bien s’écrire de l’autre côté du monde, aux antipodes de Metz.

Tour Maison Heler Metz
Tour de la Maison Heler à Metz (Crédits photo : Pierre LEHMANN pour le Groupe BLE Lorraine)

Rédigé par Thomas RIBOULET

Président-fondateur du Groupe BLE Lorraine et Rédacteur en Chef de BLE Lorraine.

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Un Commentaire

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  1. Super commentaire, bien détaillé qui donne envie au lecteur de se rendre à la Maison Heler. D’après les photos, l’endroit doit être fabuleux. Tout doit être d’une perfection! Bravo pour cette super invention!
    Ne reste plus qu’à réserver!

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