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Toussaint d’antan en Lorraine

Ambiance maussade que celle de la Toussaint début novembre. Le ciel est souvent gris et les âmes le sont tout autant. On fait la « tournée » des tombes, on lave des marbres noirs, ocre ou blancs. On prie. On dépose, dans des vases hors d’âges, quelques fleurs aux couleurs ternes. Et l’on repart, le cœur plein de souvenirs vécus avec ceux et celles qui nous ont quittés.

Le rituel est immuable. Et pourtant, il avait peut-être encore plus d’allure autrefois. Il y a encore un siècle à peine, la commémoration des fidèles défunts débutait dès le 1er novembre. A peine les vêpres de ce jour étaient-elles achevées que les hommes du village faisaient retentir, dans toute la paroisse, le sinistre glas. On sonnait « l’étampie », comme on disait alors. Un homme faisait retentir la grosse cloche au son grave et un autre maniait les deux autres cloches, au tintement plus clair. Ils étaient relayés, à tour de rôle, par d’autres chefs de familles qui, eux aussi, tenaient à « sonner en mort ». Ils apportaient une bouteille de vin pour réconforter leurs prédécesseurs et, d’un mouvement régulier et sans à-coups, entamaient leur sonnerie d’un air grave et concentré. Cette sonnerie durait parfois toute la nuit car souvent, on cherchait à sonner plus longtemps que ne le faisait le village voisin ! Dans l’entre-deux guerres, nombre de villages se contentèrent de sonner jusqu’à 22 ou 23 heures. Puis, dans les années 1950-1960, la coutume s’est peu à peu effilochée.

Le lendemain de cette nuit lugubre, vêtus de leurs habits de deuil, les fidèles se rendaient sur les tombes, afin de les entretenir et de les fleurir. Ils assistaient au préalable à la messe des trépassés qui, avec son requiem et ses chants funèbres, ne manquait jamais d’arracher quelques larmes aux veuves inconsolées.

Nos ancêtres, assez superstitieux, associaient également à la journée des morts tout un tas de pratiques curieuses. Ainsi, on s’abstenait de faire la lessive pendant la semaine de la Toussaint, sous peine de devoir laver le linceul d’un mort dans l’année ! On croyait aussi que, pour ne pas déranger les morts, il fallait fermer toutes les fenêtres et les portes de sa maison, le soir de la Toussaint. Chacun restait donc chez soi, à prier pour les trépassés. C’est aussi à la Toussaint que commençait la saison des veillées, des lourres et des écreignes, comme on disait autrefois en Lorraine. Dans certains villages du Pays Haut, on avait coutume de laisser, sur la table de la cuisine, un verre de vin et quelques provisions censés permettre aux morts de se sustenter.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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