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Le Queulot et le Mâre de châty à Failly

Le village de Failly en Lorraine (Crédits photo : Google Street View)

Queulot est un mot courant en Pays Messin qui désignait autrefois ce personnage folklorique qui, caché dans une maison, surgissait pendant le carnaval et amusait les badauds dans le petit village de Failly.

Le Queulot était vêtu à l’ancienne, avec des bas, une culotte qui tombait à hauteur du genou, un veston brodé et un chapeau pointu garni de rubans multicolores. Il était muni d’une perche appelée queule et au bout de laquelle était fixé une sorte de chiffon. Le Queulot se fait un plaisir de tremper le chiffon dans le purin et d’aller maculer l’ourlet des robes des dames et les pantalons de ces messieurs. Le rite, paraît-il, portait bonheur.

Queulots
Les derniers Queulots de Failly (Crédits photo : Mairie de Failly)

Le Queulot était traditionnellement accompagné par le « Mâre de châty » (comprenez le « maire des chétifs ») qui incarnait l’entrée dans le Carême, temps de jeûne et d’abstinence. Lui était muni de la « palate », une sorte de pique avec laquelle il était censé chasser les rudesses de l’hiver. Le Mâre de châty attendait les fidèles à la sortie des vêpres. Le bas du fer de sa palate se terminait par un quillon recourbé en crochet de chaque côté. Ce quillon était plus récent que sa lance qui remontait au XVIème siècle. On pouvait y lire la date de 1444 qui correspond à celle de la mort du châtelain. Il y a quatre siècles, ce dernier, gêné par le bruit des grenouilles, ordonna aux habitants de parcourir le long des fossés en battant l’eau avec une longue gaule. C’est de là que viendrait cette drôle de coutume. Le dimanche qui suit le Mardi Gras, on se promenait à Failly avec une queule qu’on imbibait d’eau ou de purin pour distraire les badauds. En soirée, les filles fabriquaient le chapeau du futur Queulot tandis que les garçons animaient le village. Un bal était ensuite donné sur la place de Failly, où les danseurs devaient encore éviter les coups de queule. Le Mardi Gras, on élisait le nouveau Mâre de châty parmi les jeunes mariés. Le dimanche suivant, premier dimanche de Carême, c’était au tour du nouveau Queulot d’être désigné, également parmi les jeunes mariés.

coiffe Queulot
Coiffe du Queulot (Crédits photo : Mairie de Failly)

La tradition carnavalesque du Queulot n’a hélas pas survécu à la Seconde Guerre mondiale. Pour autant, le petit village de Failly continue d’en entretenir la mémoire, puisqu’on trouve, dans la commune, une « Place du Mâre de châty » et l’école maternelle de Failly s’intitule avec malice les « Petits Queulots ». Quant au mot Queulot, il désigne d’ailleurs encore aujourd’hui les habitants du village. Le mot lui-même est resté dans le langage populaire et un Queulot continue de désigner un malpropre, un sapré phénomène, un manre-drôle en somme !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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2 Commentaires

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  1. De toutes les traditions liées à Mardi-Gras, c’est peut-être le village de Failly qui détenait, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la palme de l’originalité. Situé à une dizaine de kilomètres au Nord-Est de Metz, cette localité du Haut-Chemin avait en effet coutume d’organiser pendant le Carnaval l’élection du Keulo (on écrit aussi Queulot) et du Mâre de châty. Deux mots en Lorrain roman qui désignent chacun un personnage indissociable du Carnaval en Pays Messin et qu’il faut prendre le temps de présenter.

    Le Keulo tout d’abord. Il s’agit d’un personnage de fête, dont le costume se composait jadis d’une chemise ample, d’un gilet à l’ancienne mode de Lorraine, d’une culotte de velours et de bas blancs. Un chapeau pointu, très haut et garni de ruban, coiffait toujours la tête du Keulo. Ce dernier tenait également un long bâton muni à son extrémité d’une sorte de linge ou d’un morceau d’étoupe. On expliquera bien assez tôt l’usage que le Keulo faisait de cet engin. Le Mâre de châty était costumé de la même manière que le Keulo. A cela près que contrairement à son collègue, lui portait la palate, une sorte de pique garnie d’un ruban.

    Pour bien comprendre l’origine de cette coutume, ou du moins pour tenter de la comprendre, il faut remonter à la fin du Moyen-âge. D’après une légende locale, un seigneur de Failly qui vivait à cette époque aurait été très agacé d’entendre les grenouilles croasser dans les fossés de son château. Pour les faire taire, il aurait demandé aux habitants de Failly de se munir de longues perches, au bout desquelles était attaché un torchon, et de battre l’eau des fossés. La chasse à la grenouille, sans que l’on trop sache trop comment, aurait peu à peu donné naissance à l’une des traditions les plus curieuses du Pays Messin. En effet, le dimanche précédent Mardi Gras, le Keulo et le Mâre de châty avaient coutume d’attendre les paroissiens de Failly à la sortie des vêpres. Le Keulo finissait alors par sortir de sa cachette et, avec son bâton enduit de purin ou de boue, allait badigeonner l’ourlet de la robe ou le bas du pantalon de celui ou celle qui ne courrait pas assez vite ! On imagine la scène. D’aucuns prétendait qu’une jeune fille maculée par le Keulo était certaine de trouver un mari dans le courant de l’année. Rien d’étonnant donc à ce que pendant l’entre-deux guerres, la manifestation ait attirée les foules. Il paraît qu’on venait de toute la Lorraine et même de la Sarre pour assister au spectacle ! Un spectacle qui, hélas, n’a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale. Mais toujours est-il qu’à Failly la rue principale s’appelle « Rue du Queulot » et la place de l’église continue de s’intituler « Place du Mâre de châty ». De quoi entretenir le souvenir d’un patrimoine original, et dont le sens, s’il peut nous échapper aujourd’hui, était certainement compris de nos ancêtres. Le Keulo et le Mâre de châty ne sont-ils pas des personnifications destinées à bouter le long hiver lorrain de nos antiques almanachs ? La perche enduite de purin, tout comme la pique acérée, pourraient avoir servi à rappeler à nos ancêtres, qu’il était temps de chasser l’hiver et d’aller répandre le fumier dans les champs, en prévision des prochains labours de somart.

  2. L’origine des Queulots dans Textes patois recueillis en Lorraine par Léon Zéliqzon, là, c’est seulement l’origine des Queulots : L’origine don Queulot et sè deurâye

    I n-è pus d’qwète cents ans d’ç’lè, i n-èveût en bèhh don v’llêge de Fâilly i chèté. Lo Seigneûr don chèté ne p’leût dreumîn pendant lè nutâye, pèce que les gueurnailles et les crèpauds de d’dans l’rupt et les canâls fèyînt trap d’brut. Que fâre ? ‘L ateût l’mâte des gens don v’llêge que l’ècoutînt tout’ comme i boin Dieu. Lo mâte don v’llêge è fât v’nîn les (h)omes don v’llêges et li è dit: – Les gueurnailles et les crèpauds ne m’lânent meu dreumîn pernut. V’alleûz penre chèkîn eune grande gaule èva eune frèpoille au bout, et veus v’reûz bacheu l’âwe po fâre couhieu ces bêtes-lè.

    Les (h)ommes de Fâilly allînt donc tos les jos è lè nut èva zoûs gaules bacheu l’âwe don rupt et des canâls.
    Je n’â-m’ oûyi dîre si’l èvînt fât couhieu les gueurnailles, mais j’sais qu’tos les ans, au boin temps, les gueurnailles et les crèpauds font ca tojos lè mim.me musique. Et pèhhônne ne s’en piaint.

    Quand’ lo mâte don chèté è vu qu’i n’y èveût rien è fâre, ‘l è hhûr’ment laiyeu les (h)ommes don v’llêge tranquilles.

    Mâs lè chesse aux gueurnailles èveût, è ç’qu’i pèrait, essez èmûsieu les (h)ommes, et ‘l y pensînt tojos èva i certain piâhi. Sovent is s’dehînt enteur zoûs: – Ast-ce que ç’ju-lè, eune grande gaule èva ‘n’ frèpoille au bout, ne beillereût-m’ i n-èmûs’ment conv’nâbe po les jornâyes don carnavâl ? Sol’ment i n’y en èreût qu’înk que chess’reût, non point les gueurnailles, mâs putoût les çus que r’wât’rînt, piats et grands, janes et vieux. Lo mâte don chèté que deût mwin.ner l’Queulot, se hoûyereût l’mâre de Châti. Lo signe de sè dignité s’rè lè vieuille lance que l’gardien don chèté empiayeût po werder les èlentors.

    Ç’ast anlè que, piat è piat, l’usêge don Queulot s’è ètâbli èva l’èmûs’ment don Dieumanche grâs. L’usêge deût s’maint’nîn tant que’l’(h)omme qu’ast nommé Queulot ne meurrè-m’ dans l’ennâye. Si l’Queulot v’neût è meuri pendant l’ennâye, l’usêge don Queulot penreût fîn.

    Ausseu les çus que sont nommés Queulots sont contents et is dîhhent: – Je sus hhûr de n’point ca meuri ç’t ennâye-ceu.

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