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Musée Lorrain à Nancy : choisir le moins pire n’est pas forcément la meilleure des solutions !

Crédits photo : Collectif Héré

Le Collectif Emmanuel Héré a souhaité réagir suite à la parution sur notre site de l’article concernant le projet de rénovation du Musée Lorrain à Nancy.

Le génie d’Emmanuel Héré à l’origine de la renommée internationale de Nancy

Nancy possède un ensemble architectural et urbanistique exceptionnel et reconnu. Constitué par le Palais Ducal, l’Eglise des Cordeliers et la Chapelle ducale, qui restent les témoins fondateurs du Duché de Lorraine, il a été augmenté, à la demande de Stanislas Leszczynski par les grandes réalisations d’Emmanuel Héré, qui s’y rattachent par la volumétrie et les perspectives.

Ce geste architectural et urbanistique unique, qui relie sur un axe l’Hôtel de Ville au Palais du Gouvernement s’enrichit de placettes, de perspectives transversales et de bâtiments marquants, dont le plus important est la cathédrale. C’est une véritable leçon d’articulation de parties de ville différentes. Il sous-tend l’image internationale de Nancy et donc l’attractivité de Nancy Métropole.

Or, la Mairie de Nancy continue de vouloir construire, dans le cadre de la rénovation du Musée Lorrain, un bâtiment de verre sérigraphié en remplacement des bâtiments annexes qui seraient démolis. Ce parallélépipède est destiné à servir de hall d’accueil à l’extension en sous-sol du musée.

Consécutivement à la résistance opposée par le Collectif Emmanuel Héré, à la pétition qui a recueilli quelque 2 400 signatures, et à l’expertise de l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), le Maire de Nancy et la Ministre de la Culture ont décidé de revoir le projet. Le Ministère français a préconisé la conservation et la mise en valeur du mur aux pilastres (Mur de Baligand, ingénieur du Roi), et pour ce faire la destruction des bâtiments de fond de cour, classés, comme le mur, Monuments Historiques !

Le Maire a demandé à l’architecte de remodeler le projet sur cette base, en ajoutant une seconde hypothèse: la conservation non seulement de ce mur, mais en plus de la Petite Ecurie de 1766. Deux variantes, A et B, qui ne modifient pas le projet dans son principe, ont été retenues.

Afin de faire avaler démocratiquement la pilule aux Nancéiens, il a organisé la consultation citée en objet, par  laquelle le citoyen est amené non pas à voter, mais à commenter les deux variantes exposées.

Le faux choix adressé aux Nancéiens

Ce qui se passe à Nancy, sous couvert de débats affublés de qualificatifs empruntés comme « démocratie » ou « humanisme » chers aux élus nancéiens, c’est tout sauf une véritable consultation démocratique au sens où nous, citoyens lambda, nous pouvons l’entendre.

En effet, la technique du « faux choix » est une technique classique de manipulation enseignée à nos énarques qui se base sur l’idée simple que le citoyen français ne serait pas doué de capacité de discernement et que, par ce fait, c’est au décideur de décider à sa place. Et qu’en cas de consultation « démocratique », toujours bien perçue par les niais que nous sommes, il s’agit de leur présenter à « choisir » ce que nos édiles auront préalablement décidé.

C’est en tous points ce cas de figure qui se déroule à Nancy dans cette « consultation » ouverte aux citoyens. Ne soyons pas dupes.

Pour autant, ces deux solutions sont-elles acceptables pour un site tel que le Palais Ducal ?

Variante A : peut vraiment mieux faire

On constate une notable évolution avec la conservation du Mur de Baligand (enfin reconnu à sa juste valeur) et de la petite écurie du XVIIIème siècle, cependant balafrée d’une entrée en verre sérigraphié.

Le bâtiment côté Rue Jacquot (à l’origine une annexe de la gendarmerie, construite au XIXème siècle) fait les frais de sa simplicité et des divers remaniements subis en laissant la place à un aquarium de verre sérigraphié, non pas adossé au Mur de Baligand, désormais sacralisé, mais décalé de 3,50 mètres, laissant un no-man’s land à l’arrière, incongru dans un contexte urbain tel que celui d’une cour palatiale, où chaque mètre carré compte, et empiétant d’autant sur le jardin.

Mais pourquoi continuer à maintenir à tout prix une barre de verre sérigraphié et vouloir détruire des bâtiments classés Monuments Historiques au risque d’être l’objet de recours?

Sur France 3 Lorraine, l’architecte souligne bien le problème de fond : il aurait fallu faire les études archéologiques avant la consultation et non pas suite à la demande de la Commission Nationale des Monuments Historiques en septembre 2014 (laquelle avait déjà descendu en flamme la qualité du projet). C’est-à-dire que la rédaction du programme a été mal faite : aucune étude archéologique préalable, aucun respect du sens patrimonial du site … Et cela va coûter très cher aux Lorrains : un site dévasté si les élus n’ont pas le courage de dire STOP.

L’architecte déplore le risque de « perte de sens » du projet. Mais de quel sens parle-t-il ?

Initialement, la soi-disant « transparence » de la barre de verre était présentée comme sa justification première dans le projet d’origine. Désormais, puisque le mur reste en place, comment justifier cette construction de verre et d’acier puisqu’il y a un mur derrière ? Cette barre de verre ne respecte en rien ni l’histoire ni l’harmonie du site.

Variante B : non !

Certes, cette variante paraît moins hétérogène que la précédente car un seul bâtiment subsiste, en rallongé, hélas le pire : l’aquarium en verre sérigraphié. Il écrase par le fait tout ce qu’on oserait encore appeler « jardin ».

L’ensemble, que ce soit dans le projet A ou B, devient totalement hétéroclite avec des séquences très disparates : morceaux de barre de verre, espace vides, petite écurie (mais avilie par une excroissance en verre sérigraphié).

Le verre sérigraphié n’est pas une réponse architecturale. Tous les architectes dignes de ce nom vous le diront. Les effets sont trompeurs, et il faut se méfier des beaux dessins, en total décalage avec la réalité.

Rappelons que le verre sérigraphié, c’est l’immeuble République, dont le croquis préparatoire  était bien plus esthétique que le résultat final !

C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé ces photomontages, beaucoup plus proches du réel que ce qu’on nous montre. Veut-on vraiment cela ? ?

Disparition du jardin intérieur du Palais Ducal

Il ne faut pas se leurrer : le jardin du Palais ducal sera réduit à une dalle percée de puits d’éclairement, on ne fait jamais rien pousser sur une dalle. Un jardin sur dalle n’est plus un jardin.

Et dans le jardin du Palais du Gouvernement, le Mur de Baligand est défiguré par la barre de verre,  puisqu’elle va le surplomber.

Une communication trompeuse

Il est nécessaire de remarquer que les vues présentées par l’architecte sont erronées, car elles impliquent un important recul, qui n’existe pas dans la réalité. En effet, les croquis présentent des perspectives improbables.

Ainsi pour voir le projet A depuis la Rue Jacquot tel qu’il nous est présenté, il faudrait se placer … au cœur de l’Eglise des Cordeliers, ou Grande Rue pour le projet B !

fond de cour 3

Photomontage de la halle de verre sérigraphiée devant la Chapelle des Cordeliers vue depuis la Cour intérieure du Palais Ducal (Crédits photo : Collectif Héré)

Nos photomontages sont eux réalisés à partir de prises de vues réelles, faites à hauteur d’homme, elles ne trichent pas !

Par ailleurs nous maintenons notre interrogation sur l’opportunité de faire de tels travaux en sous-sol.

Compte tenu d’un cahier des charges intenable, l’architecte reprend un concept qu’il a déjà utilisé par ailleurs, celui d’enterrer.

Or, Nancy n’est ni Albi, ni  Limoges, ni Montargis. Nancy est bâtie sur des marécages, et on ne peut copier un concept sans prendre cette donnée fondamentale en compte. C’est malheureusement ce qu’a fait M. Dubois. Pour information, M. Dubois a été retiré de l’opération de Montargis car celle-ci a vu son budget exploser !

Vous constaterez ici que le projet de Nancy est en tout point semblable à celui de Montargis … Et on parle d’un projet original !

Nous nous interrogeons également sur l’opportunité de devoir installer un troisième auditorium enterré alors qu’il y en a au moins deux à proximité (Musée des Beaux-arts et Muséum-Aquarium Rue Sainte Catherine, sous-exploités), entraînant des frais colossaux avec des solutions techniques mettant en danger l’ensemble de la stabilité des palais et à la durabilité contestable à long terme.

L’expérience du Musée des Beaux-arts, Place Stanislas, devrait pourtant faire réfléchir : les travaux ont coûté au moins le double de ce qui était annoncé. Ce à cause des travaux d’étanchéité du sous-sol, dont les solutions furent si coûteuses qu’il fallut mettre fin aux travaux, et que désormais l’auditorium est inutilisable au moindre orage.

Mener de tels travaux à proximité immédiate des palais va à coup sûr fragiliser les fondations immédiatement, et à court terme, de par la modification du réseau hydrologique du sous-sol, il y aura également un impact sur les végétaux du parc du Palais du Gouvernement.

Faire courir de tels risques, y compris financiers, pour le caprice d’un auditorium inutile et l’augmentation symbolique d’une surface muséale, alors qu’on peut la prendre sur le Palais du Gouvernement, curieusement absent du projet, est-il sensé ?

Lancement d’une pétition à l’attention du maire de Nancy sur change.org

Afin d’alerter le public, nous avons lancé une pétition adressée au Maire de Nancy, relayée par la SPPEF (Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France), que nous vous invitons à signer. Nous totalisons actuellement plus de 2400 signatures.

Une pétition qui suscite bien des commentaires

Une grande majorité des signatures a été accompagnée de commentaires très critiques.

« Je signe parce que j’ai utilisé moi-même le bâtiment menacé quand la commission d’inventaire y était installée et que je trouve le projet hideux, dispendieux et totalement inutile. La Ville s’apprête à rater l’agrandissement du Musée Lorrain, comme elle l’a fait à l’extrémité de la Rue Sainte-Catherine … après avoir fait semblant de consulter un jury. » M. François PUPIL, ancien Secrétaire Général de l’inventaire de Lorraine.

« Natif de Nancy comme mes ancêtres dont Barthélémy Guibal auteur entre autres des fontaines de la Place Stanislas, je m’élève contre ce projet destructeur de l’histoire de Nancy pondu par des élus qui veulent se faire plaisir avec l’argent des contribuables – c’est bien le moment !-et briller auprès des ignares. Au niveau local aussi, arrêtez la destruction de la France, qui ne vous appartient pas! » Patrick GUIBAL.

Comment peut-on oser détruire ainsi le site le plus historique de Nancy?

Une alternative qui mérite d’être étudiée : la proposition de Mme Françoise Hervé, adjointe au Patrimoine à la Ville de Nancy

Avec l’autorisation de Laurent Hénart, Françoise Hervé a publié dans la presse sa proposition d’alternative à ce projet. Cette proposition a le mérite de respecter le patrimoine classé en place.

Le Collectif Emmanuel Héré l’a rencontrée le 21 août dernier, sur le site du Musée Lorrain.

Mme Hervé a fait preuve d’une parfaite connaissance historique et architecturale du dossier.

Cette option, qui n’a malheureusement pas été intégrée à la consultation, a été rendue publique dans l’Est Républicain du 9 juillet 2016.

La proposition repose sur une analyse précise des qualités et des défauts que présente le patrimoine existant. Elle consiste en :

  • la préservation et la mise en valeur du Mur de Baligand, côté Palais du Gouvernement
  • la restauration de la Petite Ecurie
  • le maintien du bâtiment Nord, mais la suppression de son étage. Le bâtiment, daté des années 1855, était à l’origine une annexe de la gendarmerie, l’étage un grenier pourvu de petites ouvertures pour aérer le foin et de gerbières. Si le réaménagement effectué au XXème siècle a procuré à l’ensemble, côté Palais ducal, un aspect pseudo XVIIIème siècle, le premier étage, en raison de son poids, a fissuré à l’arrière le Mur de Baligand et constitue une barrière disgracieuse faisant obstacle à la vue du Palais ducal.
  • la création d’une liaison vitrée articulant les deux bâtiments et ouvrant sur le parc du Palais du Gouvernement. Ornée d’une porte cochère analogue aux deux portes cochères du Mur de Baligand ou d’une grille, elle devient un accès central, dans l’axe même de la Tour de l’Horloge, qu’elle permet de découvrir depuis l’Est. Les portes anciennes, provenant de maisons de Nancy démolies, qui constituent un musée lapidaire à ciel ouvert, sont toutes préservées, de même que les attributs décoratifs qui ornent le jardin : sphinges, pots à feu du XVIIIème siècle …

Cette proposition assure les mêmes fonctions que les options A et B. Elle ne préjuge pas de l’utilisation ou non du sous-sol du jardin du Palais ducal.

La position du Collectif Emmanuel Héré face à cette consultation

Le Collectif n’est pas hostile à l’intégration d’une touche contemporaine dans un site aussi délicat que l’enceinte du Palais Ducal, avec toute sa charge historique et patrimoniale. Dans le fond, c’est un site composé de parties différentes (il va de bâtiments datant du XVIème siècle à des bâtiments datant du XIXème siècle, qui jouent parfois sur du pastiche) mais harmonisé en un ensemble unitaire et cohérent, qui fait le « génie du lieu ».

Le projet Dubois tant par ses formes que par ses matériaux ne respecte en rien le site et sa  symbolique forte.

Aucune des variantes ne présente un aspect suffisamment qualitatif pour qu’il soit retenu.

Susceptible de variations, la solution proposée par Mme Françoise Hervé est la seule solution qui respecte le patrimoine classé Monument Historique. Elle est en outre réalisable et certainement moins coûteuse.

Il nous semble que cette solution devrait faire partie intégrante du débat, et que le maire devrait la présenter au même titre que les variantes A et B, ne serait-ce que par égard vis-à-vis de son adjointe, et, en toute logique, vis-à-vis de son autorisation de publication.

Nous voulons à tout prix éviter à Monsieur le Maire de devenir le Marcel Martin du XXIème siècle.

Ayons bien à l’esprit qu’une fois le projet A ou B construit, il sera trop tard pour se désoler, comme cela s’est produit avec la Tour Thiers, ou la démolition du quartier Saint-Sébastien avec la maison de Jean Lamour … ou la déconstruction de la villa Ecole de Nancy, près du canal, sous le mandat de M. Rossinot, avec des promesses non tenues d’une reconstruction. A Nancy, la liste de bâtiments répertoriés d’intérêt patrimonial et malgré tout détruits ne cesse de s’allonger. Le dernier exemple en date étant le magasin de fleurs Christophe, sauvé in extremis d’une démolition prévue en catimini, en plein mois d’août.

Il ne faut donc pas voter, ni pour A ni pour B. Si vous estimez que la solution de Mme Hervé doit être retenue, alors indiquez-le dans votre commentaire sur le site créé à cet effet.

Dénaturer le Palais Ducal, c’est effacer la Mémoire des Lorrains.

Nous en appelons à la responsabilité personnelle de chacun des élus. Nous demandons aux citoyens de Nancy de les interpeller personnellement.

Quand on se rend compte qu’on est dans une impasse, il n’y a aucune honte à reculer, c’est tout de même plus responsable que de foncer droit dans le Mur … de Baligand.

Alors, encore un effort Monsieur le Maire !

Jacques BOULAY, Collectif Emmanuel Héré, délégué de la SPPEF à Nancy.

Rédigé par Rédaction BLE Lorraine

La Rédaction du Groupe BLE Lorraine, premier média et think tank indépendant de Lorraine.

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3 Commentaires

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  1. Parmi les deux versions proposées au public du projet de rénovation controversé du Musée Lorrain à Nancy, c’est la variante A qui est retenue. Sur les 1 101 avis nominatifs exprimés, 55 % se sont en effet prononcés pour la variante A qui met en valeur le Mur de Baligand du XVIIIème siècle et conserve l’ancienne écurie ducale datant de 1766. Cette mouture du projet sera présentée pour ratification à la Commission Nationale des Monuments historiques le lundi 3 octobre 2016 à Paris.

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