Christaille était la femme du laboureur Jean Wathot, habitant de Prény. Accusée de la mort et de la maladie de plusieurs personnes et de bestiaux victimes de ses sortilèges, elle avait été arrêtée en avril 1597 et emprisonnée dans une geôle du château de Prény. Interrogée par les gens de la justice du lieu, elle raconta avoir été visitée à plusieurs reprises par un être étrange.
Jadis, environ dix années auparavant, à la suite d’une dispute avec son mari, elle avait par dépit quitté son logis et s’était rendue dans une habitation voisine. Lors de son retour, arrivée devant sa maison, elle avait rencontré « une présence d’homme vestu de noir » lui remarquant qu’elle semblait fort triste et désolée ce à quoi elle avait acquiescé. L’étrange personnage lui avait alors rétorqué que si elle faisait des choses pour lui, il la rendrait très riche. A la vue de son émerveillement, l’inconnu avait sorti de sa poche un petit sac qu’il avait prétendu rempli de sous, lui en donnant quatre enveloppés dans un chapeau. Cet argent était sa récompense mais l’homme vêtu de noir lui annonça qu’elle n’en aurait jamais besoin grâce à la verge qu’il lui donnait ainsi que la poudre jaune servant à la frotter. Ainsi armée, elle pouvait désormais rendre malade et faire mourir ses ennemis et leurs bêtes. Après lui avoir transmis de la poudre verte dont l’usage servait à la guérison, l’étranger avait prononcé ces paroles tout en lui frottant la tête de sa main, sans lui faire aucun mal : « Tu retiendras mon nom. Je m’appelle Maître Hanry ». Puis, il lui avait demandé si elle voulait se donner à lui, ce qu’elle avait accepté. Soudainement, cet être diabolique s’évapora. Au sol, il ne restait plus que la baguette et les poudres.

Un souvenir lui revint subitement en mémoire. Un habitant du village, François Vienville, racontait qu’il avait couché avec elle. Ces propos lui avaient été rapportés par Claude Landreville et Jean du Maye. Frottant son bâton de poudre jaune, elle prit la direction de la demeure de ce fripon. L’apercevant devant, elle lui en donna un coup sur l’une de ses jambes en lui disant : « Viença, pourquoy as tu dit tel propos de moy ! » Le même jour, une douleur s’était emparée de sa jambe, persistant cinq à six semaines. Christaille précisa qu’elle n’aurait rien donné pour le faire guérir. Mais elle avait entendu dire qu’il avait réussi à obtenir du pain et du sel de son habitation, subtilisés à son insu par l’une de ses servantes d’où le rétablissement de ce menteur.
Interpellés par cet aveu, les membres du tribunal demandèrent à l’accusée combien de temps son maître demeura sans venir la voir. La prévenue révéla qu’il y avait environ un an, alors qu’elle était occupée dans l’un de ses champs, au lieu-dit « Les forges », à couper les chardons et autres herbes nuisibles aux semences, Maître Hanry lui était apparu, vers trois ou quatre heures de l’après-midi, cette fois-ci dans un accoutrement de couleurs. L’être maléfique lui avait demandé ce qu’elle faisait et l’avait sondé de nouveau pour savoir si elle voulait toujours faire des choses pour lui. Ceci la rendrait très riche ! Elle avait donc accepté et, derechef, ce démon lui avait donné une verge ainsi que de la poudre jaune et de la poudre verte. Cependant, Maître Hanry lui avait conseillé de ne faire mourir aucune personne ni de bestiaux à l’exception des deux vaches du sieur de Romigny, Capitaine et Prévôt de la forteresse de Prény. Ce qu’elle disait avoir respecté …

Confiée au maître des hautes œuvres pour être soumise à la question, Christaille, fortement malmenée, passa aux aveux. Elle confirma que les paroles prononcées à Jennotte, épouse de Didier Pierron, habitant de Prény, étaient véridiques. Le sieur de Romigny ayant battu son mari pour le punir d’avoir mal fait un travail demandé, la colère l’avait gagnée. Folle de rage, elle avait déclaré à cette femme « qu’elle vouldroit que les chevaux du dit sieur finissent au ventre des loups ». Durement torturée, la sorcière reconnut être responsable de la mort de deux vaches du Prévôt de Prény, mais aussi de celles de Christaille, femme d’Antoine Fournier, et de leur fille, Marguerite, épouse de Gérard Molleux, sans oublier Catherine, l’épouse de l’échevin de la justice de Prény, Martin Molnier.
Ses juges étant également ses victimes, Christaille, l’épouse du laboureur Jean Wathot, n’avait aucune chance de s’en sortir. Même le diable, qu’elle appelait « Maître Hanry », par crainte de prononcer son véritable nom, ne pouvait rien entreprendre pour la sauver. Convaincue de sorcellerie, elle fut brûlée un jour de printemps, le jeudi 8 mai 1597.

