Un détail de l’hôtel de ville de Stenay, dans le Nord du département de la Meuse, interpelle le passant. Un fronton, de style classique, où quatre pilastres cannelés soutiennent un fronton décoré de feuilles de laurier. Au centre, on retrouve le blason de la ville qui est « d’argent au chevron d’azur accompagné en pointe d’un lion d’or armé et lampassé de gueules ». Armes étonnantes, puisqu’elles ne respectent pas les règles de l’héraldique. Il est effet en théorie interdit de juxtaposer du jaune sur du blanc. Ces armes figurent par ailleurs entre deux faisceaux de licteurs, symboles républicains censés évoquer l’union du peuple pour la défense de la patrie. Mais, bien plus que le blason et les faisceaux, c’est la tête de diable qui interroge. Elle figure devant un phylactère annoté des mots « Urbs Stenacensis », c’est-à-dire « Ville de Stenay ». Une ville qui semble placée, depuis quelques siècles, sous le regard de Satan.

Pour bien comprendre la présence de ce démon au-dessus des armes de la ville, il faut ouvrir les archives et compulser les documents anciens. Avant de s’orthographier Stenay, la cité s’est appelée Satanay (1643,) Sathenay (1246), et même Sathanacum dans un texte datant de l’an 1069. Sathanacum que l’on pourrait traduire par le « domaine de Satan » ! La plus ancienne mention du toponyme date quant à elle de l’an 714. Elle consiste en un Sathanagium qui semble associer un nom de personne gallo-romaine (Satha, Sathanus) avec un suffixe indiquant un territoire, une sorte de « vicus » que les rois mérovingiens investiront par ailleurs.

Sathanacum. Ou le domaine de Satan. Il n’en a pas fallu davantage pour que les érudits de jadis fassent de Stenay la ville du diable. D’autres ont prétendu que le toponyme ferait référence à Saturne, dieu romain du temps qui passe, du renouveau et de la transmutation. Mais aucune preuve sérieuse de l’existence d’un pareil temple sur les rives de la Meuse ne vient étayer cette hypothèse. De fait, la figure de Satan s’est peu à peu imposée comme étant un symbole de Stenay. Un symbole bien présent puisqu’un chocolatier local a eu l’idée de confectionner des friandises astucieusement appelées « crottes de Satan », une diablerie d’enfer !


