L’immigration italienne a joué un rôle important dans l’histoire des Vosges. La contribution des immigré transalpins se remarque principalement grâce à leur savoir-faire artisanal, nourrissant de facto le paysage humain et matériel de cette région montagneuse et industrielle.
Au XVIème siècle, les Ducs de Lorraine ont introduit à Mirecourt le savoir-faire des maîtres italiens dans la fabrication des violons. La ville perpétue encore aujourd’hui cette excellence mondialement reconnue et représentée chaque année au Salon de Lutherie et d’Archèterie. Ces mêmes maîtres ont rapporté avec eux la dentelle et le point de Venise à l’aiguille. Les femmes des villages environnants étaient formées par ces artisans d’exception.
Les Italiens arrivèrent en plus grande nombre dans les années 1870-1880, attirés par une forte demande en main d’œuvre pour les travaux publics, le bûcheronnage et l’industrie naissante. A cette époque, on estime qu’entre 35 % et 66 % de la main-d’œuvre était étrangère en Lorraine. Originaires principalement du Piémont, de Lombardie et de Vénétie, ces immigrés étaient généralement des saisonniers maçons, tailleurs de pierre et terrassiers. Ils se sont installés d’abord provisoirement puis durablement dans des zones comme celles de Gérardmer, Saint-Dié-des-Vosges, Remiremont, Vittel et Neufchâteau. Ces arrivants participèrent à la construction d’infrastructures essentielles comme les routes, les tunnels ou les canaux. Les terrassiers italiens œuvrèrent ainsi massivement à la construction du Canal des Vosges, qui relie la Moselle à la Saône, après la Guerre de 1870-1871. L’ouvrage permit le transport de marchandises et de matières premières, ce qui contribua à l’essor industriel du département des Vosges, mais aussi à son essor démographique. Le village de Fontenoy-le-Château passa par exemple de 800 à 1 500 habitants entre 1875 et 1885. Durant l’entre-deux-guerres, des immigrés lombards et vénitiens rejoignirent les équipes vosgiennes dans le bâtiment et le textile.

Toutefois, l’usage de surnoms comme « Crispi » ou « Macaroni » témoigna d’une certaine hostilité, voire d’une xénophobie à l’égard des Italiens. Ce sentiment se poursuivit après la Seconde Guerre mondiale lorsque des ouvriers Calabrais et Siciliens vinrent pour reconstruire des villes dévastées comme celles de Saint-Dié-des-Vosges et d’Epinal.

Par ses savoir-faire et sa participation aux grands chantiers de construction, l’immigration italienne a donc joué un rôle majeur dans le développement économique des Vosges du XVIème siècle à nos jours. Sans l’apport de ces ouvriers et artisans, la région se serait sans doute encore appauvrie. Certains d’entre eux ont rejoint un territoire parfois similaire au leur avec ses moyennes montagnes, ses crêtes douces, ses tourbières, ses forêts de hêtres et de châtaigniers, ses villages de pierre et de bois et son climat océanique et neigeux. Un maçon de la Val di Susa arrivé à la Bresse, au Valtin ou au Hohneck avait peut-être l’impression de retrouver sa vallée, à une altitude moindre et sans le Mont Viso au loin.
