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Procession du Graoully à Metz

Représentation du Graoully en la cathédrale de Metz (Crédits photo : Paul SCHAACK pour le Groupe BLE Lorraine)

D’après Guy Cabourdin, c’est au cours de la procession des Rogations, soit durant les trois jours qui précèdent l’Ascension que les Messins avaient coutume de promener, dans les rues de la ville, un dragon de papier mâché censé représenter le Graoully, ce monstre terrifiant qui aurait été noyé dans la Seille par Saint Clément, premier évêque de Metz.

L’humaniste François Rabelais qui, rappelons-le, a séjourné quelques temps à Metz, se fait l’écho de cette procession dans ses récits. On lit en effet, dans le Quart Livre, les lignes suivantes, qui se rapportent incontestablement au défilé du Graoully :

« C’estoit une effigie monstrueuse, hydeuse et terrible aux petits enfants, ayant les yeux plus gros que tout le reste du corps avec amples, larges et horrificques maschoueres, bien endentelées tant au-dessus comme au dessoubs, lesquelles avecques l’engin d’une petite chorde cachée dedans le baston doré, l’on faisait l’une contre l’autre terrifiquement cliqueter, comme à Metz l’on fait du dragon de Sainct Clemens. »

Graoully
Procession du Graoully, image populaire du milieu du XIXème siècle, Bibliothèques-Médiathèques de Metz

Les mots peuvent faire sourire. Toujours est-il que le Graoully, dont le nom viendrait de l’allemand « gräulich », qui signifie « monstrueux », était autrefois pris très au sérieux. Attestée dès le Moyen-âge, la procession consistait, à l’origine, à faire défiler une bannière à l’effigie du dragon. C’était alors au Maire de Woippy, village situé aux portes de Metz et dont le blason est orné d’un majestueux Graoully, que revenait l’honneur de porter cette bannière.  D’après les savants bénédictins auteurs de l’Histoire de Metz, la procession du Graoully s’achevait, au XVIIIème siècle, dans la cour de l’Abbaye Saint-Arnould où, pour la plus grande joie des enfants, l’énorme mannequin de toile bourré de paille était fouetté et lapidé. Au préalable, la bête recevait, tout au long de son parcours, plusieurs petits pains offerts par les boulangers de la ville et qui étaient censés payer la sueur de ceux qui avaient porté le mannequin.

affiche Graoully
Le Graoully vu par Horace Castelli, 1872, Bibliothèques-Médiathèques de Metz

Suscitant, le long de son parcours, moqueries, chansons paillardes et autres débordements, la procession est finalement interdite en 1786. Elle renaît cependant, un temps, au milieu du XIXème siècle. Une gravure assez célèbre, datant des années 1840 et émanant de l’atelier Dembour et Gangel à Metz, nous apprend même le trajet qu’empruntait alors le dragon à l’époque. Ainsi, on sait que la procession partait de la Place Mazelle, gagnait la Place de la République par la Rue du Rempart Saint-Thiébaut, poursuivait jusqu’à la Place d’Armes avant de se diriger Outre-Moselle, revenait par la Rue du Palais jusqu’à la Place Saint-Louis, faisait un tour en Outre-Seille avant de terminer Place Mazelle. Il semblerait que la procession ait été ressuscitée dans le but de recueillir des fonds pour le bureau de bienfaisance local.

Graoully crypte cathédrale de Metz
Le Graoully dans la crypte de la cathédrale de Metz (Crédits photo : Narration et Caféine)

Le Graoully sera encore promené dans les rues de Metz au lendemain de la Première Guerre mondiale. Une photographie datant des années 1920 et aujourd’hui conservée à la Bibliothèque-médiathèque de Metz-Métropole nous montre l’effroyable créature en train de traverser la Place de Chambre. Le dragon est juché sur un char que tirent six chevaux et certains figurants sont costumés aux armes de Metz.

Rue Taison Graoully
L’effigie du Graoully plane toujours sur la Rue Taison au centre-ville de Metz (Crédits photo : Paul SCHAACK pour le Groupe BLE Lorraine)

Citée par Verlaine, mais également par Maurice Barrès, la procession du Graoully semble disparaître pendant l’entre-deux guerres. Depuis, plus rien. Le dragon que l’illustre Saint Clément noya dans la Seille ne défile donc plus dans les rues de Metz. Il se contente seulement de dormir au fond de la crypte de la cathédrale. Ou de se balancer dans les airs, là-bas, au milieu de la Rue Taison. Ou encore d’orner, à côté de la Croix de Lorraine, les maillots grenat de l’équipe messine de football.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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