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Origine de la Rommelbootzennaat en Lorraine

La tradition de la Rommelbootzennaat ou nuit des betteraves grimaçantes est encore très présente dans le Pays de Nied et en Moselle-Est (Crédits photo : Dam Sch)

Il se peut qu’en cette fin du mois d’octobre, des enfants viennent à sonner chez vous, en vous réclamant quelques friandises. Ils vous diront alors fêter Halloween, certains la Rommelbootzennaat en Moselle-Est. Ils affirmeront se déguiser en monstres ou en vampires juste pour faire peur et récolter des bonbons. Ils vous parleront de citrouilles et de fête, sans forcément savoir, au juste, le pourquoi de cette fête.

Halloween est une fête qui nous vient tout droit des Etats-Unis. Son nom est tiré de « All allows eve », ce qui signifie « veillée de la Toussaint ». Mais cette fête n’a été importée aux Amériques que récemment, à la faveur des migrants irlandais qui fuyaient la famine qui sévissait sur leur île. Si l’on gratte un peu le vernis mercantile qui entoure ces derniers jours d’octobre, on se rend compte que la fête est beaucoup plus ancienne. Et qu’elle est d’origine celtique. Elle correspond en effet à l’ancien Samain, ou Samhain, ou Samonios des Celtes, dernier jour de l’année celte, fête d’obligation où les druides, les guerriers, les artisans et les paysans célébraient la fin de la saison lumineuse et l’entrée dans la saison sombre. Nos lointains ancêtres estimaient qu’à cette occasion, les portes qui séparent le monde des morts de celui des vivants étaient ouvertes. Et que les esprits des aïeux revenaient hanter notre quotidien.

Rommelbootzennaat
Des Rommelbootzen sont fabriquées pour faire fuir les mauvais esprits (Crédits photo : Dam Sch)

Pour cela, on ne manquait pas de laisser, durant la nuit de Samain, quelques vivres sur la table ainsi qu’une bonne bûche dans la cheminée. Il fallait contenter les bons esprits. Les mauvais esprits, quant à eux, étaient tenus à distance par tout un tas d’artifices, et notamment des betteraves que l’on creusait pour leur donner l’aspect de lanternes aux visages grimaçants. C’est l’origine de la Rommelbootzennaat, ou nuit des betteraves grimaçantes, jadis pratiquée en Lorraine.

Car oui, cette fête celtique de Samain a longtemps été pratiquée en Lorraine ! Nos ancêtres, il y a encore un siècle, n’hésitaient pas à creuser ces betteraves, également appelées lisettes chez nous, à l’occasion de cette fête. Une fête qui permettait d’entretenir le souvenir des morts. Et qui marquait, aussi, le début des veillées. Des veillées au cours desquelles chacun comprenait que là où sont nos racines, c’est là qu’est notre trésor !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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  1. La Rommelbootzennaat se célèbre en Lorraine depuis des centaines d’années, la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Rommelbootzennaat se traduit par « la nuit des betteraves grimaçantes ». Le mot vient d’une langue dialectale parlée en Moselle germanophone. La fête est également célébrée en Sarre. La veille de la Toussaint, les enfants sculptent des têtes grimaçantes dans des betteraves, légumes dont la récolte marque la fin des travaux des champs. Eclairées par la lumière d’une bougie, les têtes sont déposées sur les rebords des fenêtres, des puits, les murs des cimetières ou aux croisements des chemins pour effrayer les passants et guider les défunts. Elles sont aussi parfois promenées par des enfants au bout d’une pique pour faire fuir les mauvais esprits. La fête tire ses origines d’une ancienne fête celtique appelée Samain, plus tard christianisée.

    Dans la mythologie celtique, Samain est la fête religieuse qui célèbre le début de la saison « sombre » de l’année celtique, la moitié claire ne revenant que le 1er mai. C’est à ce moment qu’on cessait les travaux aux champs et qu’on rentrait les bêtes des pâturages pour les mettre à l’abri dans l’étable. En fait, ce jour de Samain, c’est aussi le jour où l’on peut communiquer avec l’Autre Monde, celui des dieux. C’est le jour de l’entre-deux où le passage des morts vers le pays des vivants est possible.

    Cette fête a continué à être célébrée bien avant le retour en Europe de la mode d’Halloween, fête d’origine celtique importée en Amérique du Nord par les immigrants irlandais et écossais et qui trouve également son origine dans la fête de Samain. Samain était une fête de transition, le passage d’une année à l’autre, et d’ouverture vers l’Autre Monde. Cette tradition s’est maintenue en Moselle germanophone. L’Eglise a tenté de détourner cet attrait vers les rites païens en ajoutant au calendrier une fête chrétienne à la même date que Samain.

    Le 1er novembre marquait aussi le début de l’hiver celtique. C’était une date propice pour célébrer la Toussaint. En 835, le Pape Grégoire IV rendit cette fête universelle, mais la célébration de la Rommelbootzenaat s’est maintenue localement en Moselle et en Sarre. La Toussaint fut d’abord fixée au 13 mai lorsque le Pape Boniface IV décida au VIIème siècle de célébrer tous les martyrs. C’est Grégoire IV qui décida au IXème siècle de l’élargir à tous les saints et surtout de la déplacer à la date du 1er novembre. En fait, pour l’Eglise chrétienne, décider de fêter les Saints le jour de la fête de Samain permettait de modifier le sens profond de cette dernière sans la supprimer. D’ailleurs, le fait d’instaurer au XIème siècle, la Fête des morts le 2 novembre, dans la foulée, n’est certainement pas anodin, le lien avec Samain pouvant paraître évident.

    De nos jours, les citrouilles d’origine américaine remplacent le plus souvent les betteraves plus difficiles à sculpter. Les citrouilles sont effectivement originaires d’Amérique du Nord, plus précisément du Nord-Est du Mexique et du Sud des Etats-Unis. Elles étaient inconnues en Europe avant le XVIème siècle et c’était des betteraves que l’on sculptait à l’occasion de cette fête de saison qui marquait la veille de la Toussaint.

  2. Quelques remarques de fond d’un lecteur qui a étudié le sujet sur toute la Lorraine. Si le Wilde Jäger peut être signalé à toute saison dans les légendes, il l’est néanmoins surtout aux nuits d’automne, d’hiver ou encore au cycle des douze jours. Son armée n’est pas celle de vampires, mais des guerriers morts au combat qu’il a conduit au paradis des guerriers, comme le montre d’ailleurs le chaudron celtique de Gundestrup. Il pourrait également s’agir d’une ancienne version de Saint Nicolas, dans laquelle on ne parle pas d’enfants mais de trois soldats. On peut donc penser que les Rommelbootzen qui étaient allumés en octobre-novembre seraient la matérialisation de cette horde furieuse de la Huddada qui accompagne le Wilde Jäger. Donc des figures grimaçantes qui font peur certes, mais qui apportent la lumière au final. Il ne s’agirait alors pas vraiment d’histoires de fantômes. Ensuite, il faut noter que cela se passe aussi au moment de la migration des oies avec leur cri que les Anciens pouvaient également associer à la chasse sauvage. Soleil, guerrier à cheval, oies, on comprend comment est né la tradition de la Saint Martin qui vient de là. Et peut-être celle de Saint Nicolas aussi.

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