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Des aliénés du village de Fraimbois

Je ne sais pas si vous connaissez les Contes de Fraimbois. C’est une série d’histoires drôles, écrites durant la Belle Epoque par Athanase Grandjacquot et Fernand Rousselot et qui brocardent la naïveté des habitants de Fraimbois, charmant petit village situé à un jet de pierre de Lunéville.

Les histoires, longtemps transmises par la tradition orale, ont ensuite été diffusées par le biais de cartes postales, très populaires au début du XXème siècle. Ils nous parlent, ces contes, de paysans pas très futés, d’un maire qui comprend mal les ordres ou encore d’un curé qui parvient à se carapater de ce qu’il dit être un « pays de taugnats ».

Je vous propose de vous faire découvrir un des Contes de Fraimbois. Juste pour rire. Ou pour sourire avec cette histoire d’aliénés !

Il y a déjà bien longtemps de cela, le préfet de la Meurthe-et-Moselle avait écrit une lettre au maire de Fraimbois pour lui demander combien qu’il y avait « d’aliénés » dans son village.

– Qu’est-ce que ça peut bien être, des « aliénés » ?, que disait le maire, en mangeant sa soupe avec sa femme, le soir, dans la belle chambre.

Ignorant totalement la signification de ce mot savant, le maire s’en alla donc trouver le maître d’école, qui était bien, à Fraimbois, la personne la plus savante. Ce dernier lut la lettre, en fronçant le sourcil, avant de toiser Monsieur le maire d’un air crâne :

– Des « aliénés » … A votre avis, Monsieur le maire ? Ce ne sont pas des taureaux bien sûr. Ni même des chèvres ou des poules. « Aliénés », le mot vient du latin. Et il signifie tout simplement « bête à laine ». Les aliénés, si vous préférez, ce sont les brebis.

– Ah cré vindiou ! Je m’en doutais, rajouta le maire, avec une pointe de mauvaise foi.

Et voilà notre édile qui fait son recensement. Or, comme il y avait deux cent quatre-vingts brebis à Fraimbois, il écrivit au préfet qu’il y avait, dans sa commune, pas moins de deux cent quatre-vingts brebis dans sa commune.

Le préfet, on s’en doute, fut passablement étonné de lire pareille réponse. Parce qu’à Fraimbois, il n’y avait, en ce temps-là, que cent soixante habitants. Il réécrivit au maire en lui disant que son recensement n’était pas bon.

« Ah, par exemple », que lui a répondu le maire, « mais rien que dans ma famille, il y en a plus de soixante, des aliénés ! »

C’est pour cela que les mauvaises langues de Saint-Clément, les rouges talons de Juvrecourt et les bourriques d’Anthelupt disent que tous les gens de Fraimbois sont fous. Mais je vous promets bien qu’il ne faudrait pas tout de même leur dire qu’ils sont fous, parce que si vous n’alliez jamais sur leur fumier, quand vous auriez trop mangé de raisins, et bien ils pourraient vous essuyer le derrière avec une fourche !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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