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Mon oncle Chang de Rémering

Mon oncle Jean, qu’on appelait en réalité oncle Chang, était domicilié et natif de Rémering. Il était fonctionnaire de l’Etat français et son rôle était de maintenir les abords des routes communales en parfait état. Mais comme tout fonctionnaire qui se respecte, sa position idéale était de rester le plus longtemps possible appuyé avec ses deux mains sur l’extrémité du manche de sa pelle, comme le faisaient la plupart des cantonniers de cette époque.

Qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il vente, le Chang, comme l’appelaient les gens de sa commune, était dehors pour accomplir du mieux qu’il pouvait sa profession. En hiver, alors que les chaussées étaient devenues glissantes, le Chang répandait sur la route des Brachen, scories issues de l’industrie minière, afin que les voitures puissent gravir ou descendre les côtes sans risque de dérapage. D’autant que les cars des mineurs passaient par les villages de Moselle-Est trois fois par jours pour prendre en charge les employés des mines qui se rendaient à leur travail, puis pour déposer chez eux les mineurs de charbon de la région qui avaient terminé leur poste. Un jour, alors qu’il pleuvait à verse, le Chang a eu comme mission de compter les voitures qui empruntaient la route départementale D63b, qui passaient devant la maison de mes parents à Berviller et qui traversaient le village. L’oncle Chang a donc demandé à mon père, qui était son frère, la permission de se poster derrière la fenêtre de notre cuisine, où il pouvait voir passer les véhicules. A cette époque, j’étais encore un gamin en culottes courtes. Ce jour-là, c’était un jeudi et comme les jeudis étaient fériés, je m’ennuyais à côté du Chang qui faisait consciencieusement son travail de comptabilité des véhicules. A un moment donné, le Chang fut pris d’une envie pressante qui le tenaillait. Comme il ne voulait pas que son travail soit bâclé, il me confiât son carnet et son crayon en me recommandant de mettre un trait pour chaque véhicule qui passait sur la route. Mais comme aucun véhicule ne se pointait, j’étais plutôt désappointé et pour faire plaisir à l’oncle Chang je me suis empressé de mettre quelques traits supplémentaires à ceux qui étaient déjà sur la feuille du carnet. Ce travail consistait à savoir s’il était utile de réaliser une route qui coupait court et évitait la traversée du village à tous les véhicules des villages voisins.

carte déviation Berviller
Carte représentant la déviation du village de Berviller (Crédits image : Gaston THIEL pour le Groupe BLE Lorraine)

Une route pour contourner le village fut finalement réalisée. Je n’irais pas jusqu’à prétendre que c’est grâce à mes traits supplémentaires que cette route a été créée, mais j’aime m’imaginer que j’y ai mis du cœur à faire quelques traits supplémentaires sur la feuille du carnet de mon oncle Chang.

Rédigé par Gaston THIEL

Amoureux des langues régionales de Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

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