Le patrimoine, évidemment, ne se résume pas qu’au bâti. Si nos chapelles, châteaux, croix de chemins et autres vieilles maisons forment la partie la plus visible de l’héritage que nos ancêtres nous ont légué, il ne faut pas perdre de vue qu’à côté de ce patrimoine matériel existe un autre patrimoine, moins concret, un patrimoine immatériel en somme et qui reste, de fait, particulièrement fragile.
Il s’agit de nos fêtes, coutumes, traditions, de nos recettes de cuisine, de nos chansons aussi. Parmi ces dernières, je voudrais vous en partager une, que seuls les plattophones de Moselle-Est et les personnes qui comprennent l’allemand comprendront.
C’est une chanson que j’ai entendue, à maintes reprises, lors de quelques fêtes de famille, du côté de Dalem et de Porcelette, dans le Warndt. Le refrain est toujours le même. C’est une sorte de jodl, un peu tyrolien. Les couplets quant à eux, sont mouvants. Je veux dire par là que certains ont été fixés par cette famille dans laquelle j’ai été si gentiment accueilli. Mais en vérité, il s’agit de faire, tout simplement, deux rimes. Chaque convive propose un couplet, à tour de rôle. Le premier qui sèche n’a plus le droit de chanter. C’est une sorte de joute oratoire qui permet de désigner le roi de la fête.
Alors que disent-ils, ces couplets ? Des choses totalement farfelues, un peu grivoises, souvent très drôles. En voici quelques-uns, qui me reviennent en mémoire :
Da oben am Berg, da steht e’ Gendarm
Der hat e’ Schlabappa so lang wie mîn Arm
ou encore :
Mei Vater isch Dachdecker, sîn Sohn bin ich
Mei Vater deckt die Dächer un’ die Weibe deck ich !
Allez, une dernière pour la route :
Da oben am Berg, da steht d’Franzl
Der isst un’frisst e’ tausend Bretzel !
Juste deux rimes plates ! Vous pouvez vous essayer à ajouter d’autres couplets. Une seule règle : la rime ! Si vous êtes sages, je vous mettrai la traduction de ces trois couplets. Et peut-être même quelques autres couplets. Voilà, en somme, ce qu’on appelle un patrimoine immatériel et vivant ! Un petit trésor, qui ne se transmet qu’oralement et qui risque de disparaître si on ne prend pas la peine de chanter, à chaque repas de famille, ces chants anciens et réconfortants.
Traduction comme promis des trois strophes :
La première strophe signifie : « En haut de la montagne, il y a un gendarme qui a une matraque aussi longue que mon bras ! »
La seconde veut dire : « Mon père est couvreur et je suis son fils. Mon père couvre les toits et moi je couvre les femmes » (littéralement, je me couche dessus)
Le troisième couplet signifie enfin : « En haut de la montagne, il y a le François qui mange et qui bouffe un millier de bretzels ».