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Histoire des mines du Thillot dans les Vosges

Entrée des mines de cuivre du Thillot dans les Vosges (Crédits photo : Hautes-Mynes du Thillot)

Depuis la fin du Moyen-âge, auteurs et historiens se sont toujours plu à vanter les richesses du Duché de Lorraine : forêts immenses, dont le bois, estimé, se vendait jusque dans les Pays-Bas ; terres fertiles, donnant bon blé et vins réputés ; chevaux robustes et racés ; rivières aux eaux cristallines, promptes à faire tourner moulins, scieries et autres papeteries ; sables siliceux, utilisés par les maîtres verriers de l’Argonne et de la Vôge. Sans oublier bien-sûr les richesses du sous-sol : le minerai de fer, le charbon du Warndt et le sel du Saulnois.

Mais à ses richesses du sous-sol s’en ajoutaient d’autres, aujourd’hui totalement oubliées. Au XVIème siècle en effet, alors que la province accède à un véritable âge d’or, les Ducs de Lorraine exploitent également d’autres mines, pour le moins insolites. A Wallerfangen par exemple, dans le Bailliage d’Allemagne (aujourd’hui en Sarre), ce sont les mines d’azurite qui font la fortune de la bourgade. Dans la montagne vosgienne, autour de Lacroix-aux-Mines et de Sainte-Marie-aux-Mines (la localité est aujourd’hui en Alsace mais les Ducs de Lorraine possèdent, à la Renaissance, l’ensemble des terres situées en rive gauche de la Liepvrette, la rivière locale), les mines de plomb et d’argent emploient des centaines d’ouvriers. Au Thillot enfin, plus au Sud, c’est le cuivre que l’on extrait des « Hautes-Mynes », comme on désigne alors les galeries percées à flanc de montagne.

C’est au milieu du XVIème siècle que débute l’histoire des mines du Thillot. A Bussang et à Fresse-sur-Moselle, on commence par exploiter un filon d’argent, de manière pionnière et presque aléatoire. A grands coups de pics et de pioches, on taille la roche pour extraire le précieux métal, qui finit bien vite par être fondu et envoyé à Nancy, où il est jalousement gardé à l’Hôtel de la Monnaie, avant d’être transformé en denier, gros, testons et autres piécettes qui finiront par garnir les caisses du trésor ducal et les bourses des sujets les plus avares ou les plus dépensiers. Mais très vite, les mineurs de la haute vallée de la Moselle aperçoivent dans la roche locale des sortes de veines verdâtres. Pas de doute : il s’agit d’oxyde de cuivre. On se détourne de l’exploitation de l’argent, qui devient d’ailleurs de moins en moins rentable à mesure que les galions espagnols inondent le marché européen avec les métaux venus du Nouveau-Monde. Désormais, au Thillot, c’est le cuivre qui intéresse. Et il intéresse d’autant plus qu’il entre dans la composition du bronze, l’alliage suprême dont on fait à l’époque les statues et, surtout, les pièces d’artillerie.

Au Thillot, la production de cuivre commence dès 1560. La richesse du filon attire, autour de la source de la Moselle, de nombreux ouvriers, qui viennent tenter leur chance dans ce nouvel Eldorado. Montaigne lui-même, alors qu’il s’apprête à franchir les Vosges par le Col de Bussang avant de se rendre en Italie, visite les mines de la région et s’étonne de l’activité qui y règne. L’essor est rapide, il va se poursuivre durant près de deux siècles, jusqu’à atteindre un véritable apogée à la veille de la Guerre de Trente Ans.

Les recherches historiques et archéologiques menées par la Société d’Etude et de Sauvegarde des Anciennes Mines (SESAM) ont révélé l’originalité du site et les techniques de percement des galeries. Les mineurs, exploitaient le cuivre selon trois méthodes. La première consistait tout simplement à extraire le minerai à la pointerolle et au marteau. Un travail de forçat, évidemment pénible et laborieux. Lorsque la roche était trop dure, on pratiquait le dépilage, c’est-à-dire qu’on la décollait de la paroi en pratiquant un feu dans une fente préalablement creusée. La température élevée, de 700 à 1000° C, avait pour effet de faire éclater la roche et donc, par conséquent, de poursuivre le travail de sape au fond de la mine. La dernière technique s’apparente à la précédente, à cela près qu’au lieu du feu, on va utiliser la poudre noire.

Chose étonnante, c’est aux Hautes-Mynes du Thillot que cette technique sera utilisée pour la première fois en Europe ! Les archives l’attestent, c’est en 1617 que les premières explosions de poudre noire ont lieu dans les galeries des mines du Thillot, soit une dizaine d’années avant Banskà Štiavnica, une mine de Slovaquie qui revendiquait jusqu’alors la paternité de ce mode d’extraction du minerai.

Un minerai qui, une fois extrait, subissait au Thillot tout un tas de transformations. Lavé, broyé, il était ensuite fondu dans des fourneaux alimentés par le charbon de bois produit avec l’immense forêt vosgienne. Des procédés quasi industriels en somme, et desquels on peut se faire une idée en parcourant les marges du somptueux graduel de Saint-Dié, un livre liturgique, dont certaines enluminures nous montrent des mineurs en train de pousser des petits wagonnets de bois dans les entrailles de la terre ou en train de laver le minerai à grande eau.

On peut aussi, pour se faire une idée de ce que pouvaient être, à la Renaissance, les précieuses mines des Ducs de Lorraine, aller sur place et participer à la visite guidée. Si l’exploitation du minerai a cessé en 1761, elle a visiblement cédé le pas à l’exploitation touristique. En partie classées au titre des Monuments Historiques depuis 1995, les galeries de mines ont été visitées, en 2018, par quelques 22 000 curieux ! Des visiteurs qui ont pu mettre leurs pas dans ceux des mineurs d’autrefois, pour découvrir un aspect méconnu de l’histoire lorraine.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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