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Mais où qu’t’as donc encore été raouwer ?

Le Français a la réputation d’être un séducteur. Il dispose donc d’un vocabulaire approprié à cette situation.

Durant la Guerre de Cent Ans, les soudards de Philippe le Bel avait pour coutume de « conter fleurette » aux belles Angloises. Celles-ci, pour les remercier, ont créé le mot « flirt » qui nous est revenu subrepticement avec la déferlante « yé-yé ». Le roi Louis XIV avait pour coutume de « courtiser » tous les jupons qui passaient à sa portée, qu’ils habillent soubrettes ou duchesses. Le marquis de Montespan en a conservé des ramures de cervidé et un souvenir cuisant. Au XIXème siècle, les Rastignac de Balzac, fascinés tant par la chair que par l’argent, « cherchaient une bonne fortune » en lançant leurs défis conquérants du plus haut des toits parisiens. Au XXème siècle, les quelques précieux qui nous restent utilisent « séduire », et les nostalgiques de Sacha Distel, « draguer ». Dans les années 1950, époque où le gibier était encore prolifique dans les campagnes, le populaire employait « chasser » ou « chasser avec ». Depuis la disparition des bécasses et des perdrix, on parle plutôt de « sortir » (encore qu’on se fasse plutôt du « rentre-dedans »).

Quant au Lorrain, c’est non seulement un séducteur, mais c’est aussi un amateur de langage fleuri. Ainsi, pour lui, « conter fleurette » se dira affectueusement « chasser la guiguitte ». Mais il utilise aussi « trôler », que les Meusiens prononcent « trôôler » et les Vosgiens « trôôôler ». En outre, le Lorrain établira un parallèle entre les mœurs des animaux et des humains. Compte-tenu que le chien a pour coutume de renifler (en Lorrain : « choumer ») l’arrière-train de ses conquêtes avant de les utiliser comme courte-échelle, « séduire » une Belle se dira donc « choumer ». J’ai gardé le meilleur (et le plus fréquent) pour la fin. Il s’agit des us et coutumes des chats, et notamment des matous (que toutes nos grands-mères appellent, je ne sais pourquoi, Pompon »). Lorsqu’ils débusquent le soir tombé, à la vesprée, une jolie chatte en chaleur, les gros Raminagrobis ont pour première préoccupation d’éliminer leurs rivaux (et ils sont nombreux !). A cet effet, ils produisent des miaulements et des feulements qui vous tiendront éveillé jusqu’à trois heures du matin et qui peuvent se traduire phonétiquement par : « Raouw ! ». On dit alors que les chats « raouwent ». Par métaphore, c’est ce que l’on dira aussi de vous si vous prétendez courir la Belle : vous allez « raouwer ». Le lendemain des festivités, le matou comblé a conservé les traces glorieuses de son combat victorieux avec ses rivaux. En témoignent son museau ensanglanté et ses oreilles en lambeaux.

C’est peut-être l’origine de l’apostrophe outragée de ma mère qui avait pour coutume d’accueillir mes retours de virées nocturnes d’un impérial : « T’as vu quelle heure qu’il est ? Mais où qu’t’as donc encore été « raouwer » ? La prochaine fois, je te taille les oreilles en pointe ! »

Rédigé par Jean-Paul BOSMAHER

Professeur de lettres à la retraite et écrivain pour le Groupe BLE Lorraine.

M. BOSMAHER est l’auteur de plusieurs ouvrages de références sur la Lorraine, dont notamment le « Parler Lorrain » paru en 2014 aux Editions du Quotidien.

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Un Commentaire

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  1. Zaubette, parfois prononcé zaubiotte, est une expression lorraine qui désigne une jeune fille assez délurée et un tantinet provocante. Purement patois, ce mot s’entend encore dans la bouche de quelques grands-parents à l’égard, souvent, de leurs petites-filles ou des jeunes bâcelles du village. Moôn la zaubette ! Elle a pas douze ans et elle met déjà du vernis dessur ses inguiottes?

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