Les hêtres tortillards, ces arbres étranges et inquiétants, ont de tout temps suscité la fascination et intrigué les gens. Nombres de vieilles légendes prennent racines à leur tronc tourmenté.
Dans la forêt des Six Cantons, à Rémilly, les faux, l’autre appellation des hêtres tortillards, servent de rendez-vous aux jeunes amoureux, cachés, à l’abri dans cette cabane naturelle, véritable écran de lumière et de verdure. En effet, les faux ne sont très grands, ceux de Rémilly ne dépassent pas trois mètres. Mais leurs branches magiques, qui se tournent dans tous les sens, parfois à angle droit, touchent le sol ou se rassemblent dans des anastomoses, c’est-à-dire des fusions troublantes et intrigantes. C’est cela qui les protège, du moins en partie. Car les jolis fous, comme on les surnomme affectueusement à Rémilly, sont à la fois rares, fragiles et se reproduisent mal.

A Domrémy-la-Pucelle, dans les Vosges, l’arbre aux Dames, une dénomination qui renvoie aux fées, un autre hêtre tortillard réputé pour sa beauté et ses pouvoirs magiques, faisait l’objet d’un culte au temps de Jeanne d’Arc. Une procession s’y rendait, afin de chasser les mauvais esprits. On retrouve également un immense hêtre tortillard dans le parc de l’ancienne manufacture de Bains-les-Bains et deux spécimens dans le Parc Simon à Augny, près de Metz. Ces derniers seraient âgés de 160 ans environ. Bien qu’ils aient été plantés au même moment pour agrémenter ce parc romantique créé au XIXème siècle à partir des jolis fous de Rémilly, ils ne se sont pas développés de la même manière. L’un présente en effet un tronc ventru et un houppier bien étalé, tandis que l’autre est nettement plus fin et moins étalé. Protégé par un enclos, un troisième individu serait même en train de prendre forme. Pour de nombreuses personnes, las faux trouvent leur origine dans les croyances et autres légendes. Pour les scientifiques, celle-ci reste encore indéterminée, même si plusieurs hypothèses sont avancées.

Ainsi, ces hêtres à l’apparence perturbée proviendraient peut-être d’une mutation génétique qui se serait reproduite lentement à travers le temps et à l’échelle de quelques individus. Le problème, c’est que le gène codant un tel caractère semble aléatoire. De même, les hêtres tortillards ont toutes les peines du monde à se reproduire. Ces derniers peuvent donner naissance à un arbre tout-à-fait normal, mais un hêtre classique ne pourra jamais donner un faux. La cause virale, c’est-à-dire due à un virus, est une seconde hypothèse qui a été émise, tout comme le manque d’eau ou encore l’emplacement sur les lignes telluriques. En effet, les hêtres tortillards de Rémilly et leurs homologues plus connus de la forêt de Verzy, en Champagne, sont situés sur la même longitude. Hasard ou non ? Troublant.

Par ailleurs, les hêtres tortillards auraient une croissance plus lente que les autres hêtres. Ils atteindraient ainsi leur maturité et feraient leur première fructification à un âge avancé d’environ cinq cents ans, contre seulement cinquante ans pour les autres hêtres. Ils ne fructifieraient aussi que tous les cinquante ou soixante ans, contre cinq ou six ans pour les autres variétés. Ce rythme plus lent permettrait alors aux hêtres tortillards de vivre bien plus longtemps que les autres hêtres, qui atteignent péniblement deux cents ou 250 ans en futaie et un maximum d’environ quatre cents ans en montagne.

Mais toutes ces caractéristiques rendent les faux très vulnérables. C’est pour cela qu’il convient de les protéger, ce qui n’est pas le cas pour l’un des deux jolis fous de la forêt des Six Cantons à Rémilly, dont les alentours sont foulés par les curieux, ce qui empêche l’eau de s’infiltrer correctement vers les racines. Un haut grillage préserve le second situé sur le chemin forestier qui mène à Dain-en-Saulnois. Pour le premier, l’idéal serait d’installer une protection en bois, barrant ainsi l’accès au passage naturel qui permet de se glisser en dessous. Mais une nouvelle fois, l’argent, les idées et la volonté manquent … tout comme pour implanter des panneaux d’information.

