Thomas RIBOULET
Le Pavillon de biodiversité et de la sixième extinction a dernièrement ouvert gratuitement ses portes dans une aile de 350 mètres carrés au Musée de la Cour d’Or à Metz après cinq ans de chantier et un investissement de quatre millions d’euros. A travers une scénographie pédagogique et immersive particulièrement soignée qui s’appuie sur de nombreux dispositifs digitaux, le pavillon présente plus de 440 spécimens parmi les quelques 35 000 des superbes collections naturalistes messines. Il vise à sensibiliser les visiteurs à la richesse et à la fragilité de la biodiversité, ainsi qu’à la sixième extinction de masse du vivant en cours.
Remisées depuis 1976 et la fermeture de la section dédiée au sein du musée avant d’être entreposées à la Maison de l’Archéologie et du Patrimoine de l’Eurométropole de Metz, les collections d’histoire naturelle retrouvent ainsi en partie la lumière après un demi-siècle d’obscurité qui les avait éloignées du public. Grands mammifères, oiseaux, arthropodes, insectes, reptiles, amphibiens, coquillages, crustacés, végétaux, champignons, fossiles, minéraux ou encore coraux, on trouve parmi les pièces exposées des spécimens très rares, à l’image d’un pic à bec ivoire, qui est l’un des pics les plus grands du monde et qui n’a pas été observé depuis des décennies, mais aussi d’un grand pingouin. Incapable de voler, ce dernier se chassait facilement en Atlantique Nord avant de disparaître complètement de la surface du globe en 1844.
La première salle du Pavillon de la biodiversité et de la sixième extinction recréé l’esprit et l’ambiance des premiers cabinets d’histoire naturelle de Metz. Aux XVIIIème et XIXème siècles, les ornithologues messins étaient réputés à l’international. Leurs travaux ont fait progresser les connaissances scientifiques. Cette histoire est restituée grâce à la présentation des collections des naturalistes Jean-Jacques Holandre et Alfred Malherbe, dont les pièces naturalisées ont été conservées par le Musée de la Cour d’Or. Deux œuvres issues des collections des Beaux-Arts, ainsi que quatorze livres et objets complètent la présentation. La salle suivante met en valeur le précieux meuble à papillons de Holandre, cofondateur de la Société d’Histoire Naturelle de la Moselle. Nommé en 1817 conservateur du Musée d’histoire naturelle de Metz, il s’est formé autour des collections du cabinet d’histoire naturelle du Prince de Deux-Ponts, qui a d’ailleurs écrit de nombreux ouvrages sur la faune et la flore locales. On trouve également dans cette salle une vitrine consacrée aux taxidermistes et un mur d’écrans où défilent les images de différents animaux, des plus microscopiques aux plus grands, soient autant de témoignages de l’extraordinaire biodiversité de la planète.
Après être revenue sur les cinq précédentes extinctions de masse qu’a connues la Terre, la salle de la sixième extinction montre des espèces en danger critique d’extinction, comme le pangolin javanais ou la colombe de Geoffroy, ainsi que des espèces déjà disparues, à l’image du pigeon migrateur, dont le dernier représentant est mort au zoo de Cincinnati en 1914, du Ptilope de Mercier, colombidé endémique de la Polynésie française éteint depuis 1922 ou encore du courlis à bec grêle, première espèce d’oiseau d’Europe à s’être complètement éteinte en 2024. C’est dans cette salle que l’on peut aussi admirer les spécimens les plus spectaculaires tels qu’un tigre, un lion, un léopard, une meute de loups et ours brun dressé sur ses pattes arrières. Il faut savoir que 38 543 espèces vivantes sur les près de 140 000 qui ont fait l’objet d’études récentes sont aujourd’hui menacées de disparition à court ou moyen terme.
La grande salle du Pavillon de la biodiversité permet quant à elle de découvrir, en parcourant une rampe, la richesse de la biodiversité de huit milieux naturels caractéristiques de la Lorraine. Des eaux stagnantes jusqu’aux chaumes des Hautes Vosges, en passant par les eaux courantes, les falaises de grès rose, les prairies, les forêts ou les pelouses calcaires, les visiteurs peuvent observer des loutres, des castors, des blaireaux, des sangliers, un lynx, une cigogne noire, une chouette chevêche ou encore un chat forestier qu’il est possible de croiser à la lisière des forêts lorraines. Dans cet espace lorrain, l’exploration est multisensorielle, puisqu’il est possible d’écouter les cris des mammifères et des oiseaux, de toucher la fourrure d’un chevreuil ou les plumes d’un canard et même de sentir l’odeur d’un sanglier et de plusieurs espèces végétales grâce à un mur olfactif. La scénographie vient aussi rappeler que certaines espèces font leur retour en Lorraine après des décennies, voire des siècles d’absence, comme le lynx boréal, le loup gris, le hibou grand-duc d’Europe, le pygargue à queue blanche ou encore le balbuzard pêcheur.
A noter enfin qu’avant de quitter le Pavillon de la biodiversité et de la sixième extinction, un tableau tactile invite les visiteurs à choisir un site naturel de Lorraine et son biotope. La sélection génère un QR Code qui renvoie vers une fiche pratique sur la faune, la flore et la préservation des milieux. On protège davantage ce que l’on connaît.
