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Nasium ou la cité enfouie des Leuques en Lorraine

Campagne de fouilles archéologiques sur le site de Nasium (Crédits photo : Association La Cité des Leuques)

Il ne reste pratiquement plus rien de nos jours de Nasium, plus aucune trace visible de la grande cité des Leuques, peuple gaulois romanisé qui occupait jadis la partie méridionale de la Lorraine.

Pourtant, c’est là, dans les environs des communes de Naix-aux-Forges, de Boviolles et de Saint-Amand-sur-Ornain, près de Ligny-en-Barrois, en Meuse, que gisent sous nos pieds et à notre insu les vestiges de cette glorieuse cité antique. L’association du site de Nasium œuvre depuis des années pour réveiller la belle endormie au gré de chantiers de fouilles, de conférences, de la mise en valeur des restes découverts et de l’organisation de grands rassemblements de reconstitution de batailles antiques.

colonne antique
Reconstitution d’une colonne antique sur le site de Nasium à Boviolles (Crédits photo : Djampa)

Peu à peu la cité se révèle, livre ses secrets et ses trésors et nous fait revivre la mémoire de son lointain passé. Car découvrir Nasium, c’est entrer dans l’histoire d’une ville leuque devenue gallo-romaine qui s’est développée à la fin du IIIème siècle avant Jésus-Christ en contrebas de l’oppidum de Boviolles, à la confluence de l’Ornain et de la Barbouse. C’est également explorer l’univers extraordinaire d’une ancienne ville d’une superficie de 120 hectares, qui constituait avec Divodurum Mediomatricorum (Metz), une cité antique majeure de la Lorraine actuelle, au carrefour de plusieurs voies de communication importantes. Une cité considérée comma la capitale des Leuques, peuple dont l’appellation latine « Leuci » peut se traduire par « les brillants » ou « les fulgurants ». Il faut savoir que les Leuques battaient leur propre monnaie et que des pièces d’or avaient déjà été émises avant l’arrivée des légions de César.

bataille antique
Reconstitution d’une bataille antique sur le site de Nasium (Crédits photo : Association La Cité des Leuques)

Le site surélevé de Boviolles, ainsi que l’avantage stratégique et défensif qui en découlait, prédestinèrent ce lieu à devenir un centre antique majeur. Tout commença par la construction d’un oppidum, agglomération gauloise fortifiée sur un site en hauteur. On recense environ une dizaine d’oppida en Lorraine, prenant généralement ancrage sur un site naturellement protégé, à l’image d’une colline ou d’un méandre de rivière, auquel on y ajoutait des remparts en terre, en pierre et en bois que l’on nomme murus gallicus. L’oppidum de Boviolles s’étend sur près de 70 hectares et est protégé sur trois côtés par des pentes raides. Un murus gallicus de plus de 300 mètres de long et haut de quatre à cinq mètres venait compléter le dispositif défensif. Après les conquêtes romaines, une ville gallo-romaine se développa en contrebas de l’oppidum de Boviolles à la fin du Ier siècle avant Jésus-Christ. A l’apogée de sa prospérité et de son influence économique et politique, l’agglomération antique s’étendait alors sur une superficie de 120 hectares et comptait 20 000 habitants. Elle s’était dotée d’un apparat monumental conséquent. Les campagnes de fouilles menées successivement sur place ont permis de dégager les fondations d’un imposant temple gallo-romain de 65 mètres de long, 76 mètres de côté et de vingt mètres de haut, le fameux temple de Mazeroie. On estime que celui-ci fut abandonné vers la fin du IIème siècle après Jésus-Christ. Des fûts de colonnes et de chapiteaux furent par le suite utilisés pour construire des fermes et des maisons. Il est d’ailleurs encore possible d’en observer de nos jours dans des granges, tout comme des éléments d’hypocauste dans certains murs. On sait en outre que Nasium possédait, à l’instar de toutes les grandes cités romaines, un forum, des bâtiments publics, deux ensembles thermaux, dont l’un s’étendait sur un hectare et disposait de trois bassins, un complexe culturel rassemblant une trentaine de temples dédiés à différents dieux et de nombreuses villas qui ponctuaient ici et là les quartiers urbains et leurs réseaux de rues. L’observation de la topographie révèle en outre l’implantation d’un amphithéâtre. On sait également que des aqueducs souterrains permettaient d’alimenter en eau les thermes et les fontaines de la cité. Par ailleurs, pas moins de cinq nécropoles délimitaient la périphérie de Nasium le long des axes de communication. La plus importante se situait à l’Est. Les archéologues y ont découvert plusieurs stèles, une statue de culte funéraire de la déesse mère, qui est aujourd’hui conservée au Musée Barrois à Bar-le-Duc, ainsi que les vestiges d’un mausolée de quarante mètres de diamètre. Exceptionnelle pour la région, cette tombe majestueuse a été découverte en 1845 à l’occasion du creusement du Canal de la Marne au Rhin. Daté du règne de l’Empereur Tibère, soit 14-37 après Jésus-Christ, ce monument est typique des mausolées que l’on retrouve dans le Sud de la Gaule, ce qui témoigne des relations culturelles et économiques qu’entretenait Nasium avec le monde méditerranéen. L’ensemble de ces éléments démontre donc l’importance et le rôle que pouvait jouer la cité à l’époque gallo-romaine, influence qui avait été jusqu’à présent largement sous-estimée. Pourtant Jules César en fait référence dans son ouvrage La Guerre des Gaules en évoquant les capacités stratégiques de ravitaillement et de repos qu’offrait Nasium pour les légions romaines.

carte cité Nasium
Carte de la cité de Nasium à son apogée (Crédits image : A. Colté)

On situe actuellement l’apogée économique de la ville aux IIème et IIIème siècles après Jésus-Christ. Mais au cours du Bas-Empire, Nasium commença à décliner au profit d’autres agglomérations antiques comme Toul et Verdun, toutes deux promues au rang de chef-lieu de cité. Enfin, après avoir été très certainement mise à sac au moment des invasions barbares durant le Vème siècle, une nouvelle ville fut reconstruite et fortifiée, qui survécut un temps à l’époque mérovingienne, avant de tomber dans l’oubli.

déesse mère
Statue représentant la figurine de la déesse mère retrouvée dans la nécropole orientale de Nasium (Crédits photo : Association La Cité des Leuques)

Grâce au formidable travail réalisé par l’association La Cité des Leuques, il est possible de voir sur place une reconstitution des remparts en bois et en pieux destinés à protéger la réplique du camp de la XXIIème Légion, ainsi qu’un logement de légionnaires. Des démonstrations de poteries et d’autres activités artisanales sont régulièrement organisées sur place, tout comme des animations pour découvrir la vie du camp romain. A noter enfin que des panneaux explicatifs jalonnent le site de l’oppidum et qu’un mur de soutènement a été restauré.

site archéologique de Nasium
Site archéologique de Nasium (Crédits photo : Association La Cité des Leuques)

Rédigé par Thomas RIBOULET

Président-fondateur du Groupe BLE Lorraine et Rédacteur en Chef de BLE Lorraine.

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Un Commentaire

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  1. … et dans la foulée de ce sujet passionnant, une visite au musée municipal de Bar-le-Duc s’impose, puis que la salle sur Nasium est particulièrement intéressante !

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