A Pagny-sur-Moselle, face à l’église Saint-Martin, édifice de style gothique flamboyant bâti à la fin du XVème siècle à l’emplacement d’une petite chapelle romane, se dresse une ancienne demeure dénommée localement la Maison des Prémontrés.
Peut-être la plus ancienne demeure de la localité, elle fut d’abord la possession des Prémontrés de l’Abbaye de Sainte-Marie-aux-Bois, sise dans un vallon, au milieu de la forêt, entre Prény et Vilcey-sur-Trey. Ces derniers s’étaient vu accorder par le Pape Paul II, en 1534, la réunion de la cure de Pagny à leur abbaye, l’un de leurs chanoines desservant l’église Saint-Martin. Mais depuis sa fondation dans la première moitié du XIIème siècle, l’abbaye norbertine possédait déjà des biens sur le ban de ce village viticole dépendant de la prévôté de Prény.
La maison a conservé des traces témoignant de cette propriété. Ainsi, dans le premier numéro de la revue Nos villages lorrains, paru en septembre 1981, l’historien de Pagny, Michel Ney, indiquait que des ornements religieux étaient encore visibles dans les chambres du premier étage. Au rez-de-chaussée, se trouvait un pressoir dont le vin s’écoulait directement dans des cuves installées dans les caves. Les voûtes de ces dernières sont d’ailleurs soutenues par des piliers semblables aux édifices gothiques. La demeure est également dotée de deux cheminées, l’une, dans l’appartement situé au fond de la cour et qui affiche trois blasons, l’autre, plus monumentale, qui se trouve dans la grande salle parallèle à la cour.

La façade de la Maison des Prémontrés est percée de deux portes. La plus grande permettait le passage des voitures. De profondes entailles, provoquées par le frottement des roues, sont encore visibles. La plus petite était destinée aux piétons. D’épaisses portes en bois, renforcées par une barre s’encastrant dans les murs, fermaient ces deux entrées. De chaque côté du porche, le passant attentif peut lire une inscription latine, « Comite fortuna virtute duce » que l’on peut traduire ainsi en bon français : « On devient comte par la naissance, on devient chef par le courage. »
Cette devise correspondait totalement à l’un des membres de la famille Richard pour laquelle la vieille demeure fut érigée en fief. En effet, Collignon Richard fut anobli en 1600 en reconnaissance de ses missions d’espionnage accomplies en Allemagne. Par testament, confirmé le 18 mai 1632 devant le Tabellion Ragot par son fils, le noble Richard, devenu Prévôt de Pont-à-Mousson, avait légué six hottes de vin à la communauté villageoise de Pagny, dont tous les membres devaient se rassembler chaque vendredi pour prier Dieu en faveur de son âme et de celles de tous ses parents trépassés. Le breuvage était alors distribué lors de cette messe, celui demeurant dans cette maison de fief recevant le premier pot de vin.
Aux Richard succéda la famille Nivoy, originaire de Champey. Car l’ancienne demeure des Prémontrés avait changé de destination. Au XVIIIème siècle, son rez-de-chaussée fut aménagé en relais de poste et de diligence qui fut actif jusqu’en 1854. La création de la ligne de chemin de fer sonna en effet son glas. C’est dans cette maison que naquit le 21 novembre 1773 Joseph Nicolas Nivoy. Avec trente années passées à la tête de la localité, il est le maire de Pagny qui resta le plus longtemps à cette fonction, gérant l’occupation et les exigences des troupes russes et prussiennes stationnant à Pagny en juillet et août 1815 à la suite de la défaite de Napoléon à Waterloo. En reconnaissance, le conseil municipal de Pagny décida, le 22 avril 1894, de lui donner son nom à une partie de la Grande Rue, nommée un temps Rue du Château, là où se dressait sa maison natale dite des Prémontrés.
Une autre occupation, entre 1914 et 1918, défigura une partie de ce vénérable édifice. En effet, afin de surveiller ce lieu de passage, les Allemands y construisirent un blockhaus, les deux arcades portant la petite tour étant bouchées. Ces maçonneries militaires furent détruites en 2005, ouvrant ainsi à nouveau le passage aux piétons et restituant à la Maison des Prémontrés son cachet d’antan.

