La confiture de groseilles épépinées à la plume d’oie est une grande spécialité de la ville de Bar-le-Duc depuis 1344. Ce « caviar lorrain » a séduit les plus grands de ce monde, dont la reine Marie Stuart, Raymond Poincaré et le réalisateur Alfred Hitchcock. Exporté aux Etats-Unis, au Japon ou encore en Russie, il est l’un des plus fiers ambassadeurs de la gastronomie lorraine sur la planète.
Issu du riche terroir lorrain, blotti entre les dragées de Verdun et les madeleines de Commercy, parfaitement aligné aux côtés des bières de Meuse et des bouteilles d’eau-de-vie de mirabelle, ce caviar composé de groseilles blanches ou rouges ne se tartine pas sur une vulgaire tranche de pain. Non, au contraire, il se déguste religieusement à la petite cuillère, tout comme son grand frère de la Mer Caspienne, afin de pouvoir savourer tous les arômes du fruit. La confiture de groseilles de Bar-le-Duc peut accompagner le foie gras ou une boule de glace vanille. Cette douceur lorraine est un vrai produit de luxe qui demande des heures de travail et qui s’apprécie à sa juste valeur.
La confiture de groseilles est le fruit d’un savoir-faire ancestral. La plus ancienne mention de la confiture de Bar-le-Duc remonte en effet à 1344, époque à laquelle la tradition voulait que les gagnants d’un procès remercient les juges en leur offrant quelques verrines de la précieuse marmelade. Même si la technique de préparation peut paraître désuète, elle a fait ses preuves. Chaque grain, en moyenne sept par groseille, est ainsi délicatement incisé au niveau du pédoncule par une épépineuse armée d’une plume d’oie taillée en biseau. Ce geste très précis permet d’extraire les pépins sans endommager la peau ni la chair de la baie. Les pépins sont en effet glissés dans la tige creuse de la plume. L’entaille dans la groseille est ensuite recouverte d’un lambeau de peau pour que cette dernière puisse garder tout son croquant. Une épépineuse habile peut préparer jusqu’à quatre kilos de groseilles en une journée. Les fruits sont ensuite plongés dans un sirop de sucre brûlant, un procédé qui les fige littéralement et qui permet de préserver leur saveur et leur apparence. Les autres points de la recette relèvent du secret de famille.

A la fin du XIXème siècle, une vingtaine de maisons meusiennes produisaient cette spécialité. L’entreprise A la Lorraine, fondée en 1879 par Georges Amiable qui réunit plusieurs confitureries, est la seule encore existante de nos jours. Elle a été rachetée avec ses secrets de fabrications par la famille Dutriez en 1974. De nos jours, seulement entre 5 000 et 6 000 verrines de cent grammes sont produites chaque année.