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Comment le Duc Nicolas de Lorraine a failli s’emparer de Metz en 1473

La Porte Serpenoise rend notamment hommage au boulanger Harelle qui alerta les gardiens messins lors du siège de 1473 (Crédits photo : Chabe01)

Les Ducs de Lorraine ont longtemps rêvé de faire de Metz, puissante ville libre d’Empire, leur capitale, afin de bénéficier de la richesse de cette plaque-tournante commerciale et financière, mais aussi d’annuler leurs dettes à son égard. Ils furent tout près de réussir lors du siège de 1473.

Les Paraiges, à savoir les familles patriciennes qui dirigeaient la cité, ne l’entendaient cependant pas de cette oreille. Alors que le pouvoir ducal lançait régulièrement des raids sur les villages et le vignoble du Pays Messin pour affaiblir l’économie de Metz, la ville libre pouvait compter sur son réseau d’églises fortifiées arrochées aux coteaux de Moselle, sur ses six kilomètres de remparts, ainsi que sur ses milliers de miliciens et ses corporations.

Porte des Allemands
La Porte des Allemands était l’une des pièces maîtresses des fortifications de Metz (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

En 1472, le Maréchal de Lorraine Gaspard de Raville, le Bailli d’Allemagne Jean de Wisse et le chevalier allemand Berthold Krantz viennent s’entretenir à Nancy avec le Duc de Lorraine Nicolas Ier. Grand guerrier hardi et rusé à la barbe noire, Krantz expose alors au Duc son plan pour prendre la ville de Metz. L’idée consiste à se présenter aux portes de Metz avant l’aube en se déguisant et en se mêlant aux marchands pour bloquer la herse de la porte avec une machine. Tapies dans l’obscurité, les troupes ducales pourraient alors au signal pénétrer dans la ville et s’en emparer grâce à cet astucieux stratagème. Le plan est approuvé par le Duc de Lorraine.

Prétextant venir acheter des étoffes, Gaspard de Raville et Jean de Wisse se rendent en repérage à Metz pour examiner les portes de la ville, en particulier les fortifications de la Porte Serpenoise qui constituait la porte intérieure des remparts. Là, ils mesurent précisément la hauteur de la coulisse et par où tombe la herse placée au-dessus de la voûte. Ces indications permettent alors au chevalier Berthold Krantz de concevoir la fameuse machine au château de Mousson. Dissimulée sur un convoi de marchandises, celle-ci est censée bloquer la herse grâce à une poutre surmontée d’une forte traverse plantée par intervalles de cinq grandes chevilles de fer. La machine fabriquée, le plan est mis à exécution.

1473
Nicolas de Lorraine et sa fiancée Marie de Bourgogne

Le 8 avril 1473, le Duc de Lorraine Nicolas Ier quitte Nancy avec 1 800 cavaliers et 8 000 fantassins. L’armée ducale parvient dans la plaine du Sablon, entre les églises Saint-Ladre et Saint-Privat, dans la nuit, vers trois heures du matin. Des soldats déguisés en marchands de poissons sont envoyés avec la machine devant la porte. Ne remarquant rien, les portiers ouvrent le passage. Les soldats avancent et s’arrêtent alors sous la seconde porte, celle de l’intérieure, et installent la machine. Un garde repère la manœuvre mais est aussitôt tué. Le signal est envoyé et près de 600 Lorrains se précipitent dans la ville. Ils sont emmenés par le chevalier Berthold Krantz, le chevalier de Mittelbourg, les Comtes de Bitche et le seigneur de Forbach. Au son des trompettes, tous crient « Ville gagnée ! Marchez, marchez ! Vive Lorraine ! ».

Auparavant, le boulanger messin Harelle, qui s’était levé tôt pour cuire son pain, avait aperçu des lueurs aux portes de Metz. Alerté par cette situation, il se met à courir en direction des remparts. Arrivé sur place, il se faufile à travers les rangs lorrains qui sont déjà rentrés dans la ville et monte dans la porte pour réveiller les gardiens. Avisés, ces derniers baissent les pals de la herse. Un des pals réussi à percer le convoi en son centre et le plaque au sol. La porte de la ville s’est presqu’entièrement refermée. Les Lorrains avaient en effet ignoré un détail, à savoir que les barreaux de la herse sont indépendants les uns des autres. Si bien que leur machine n’en a stoppé que deux. L’armée ducale se retrouve par conséquent coupée en deux de part et d’autre de la herse.

Entre-temps, les Messins se sont réveillés, ameutés par le bruit dans la rue. C’est le branle-bas de combat dans la ville. Les miliciens et les corporations accourent à la porte armés de haches, de bâtons, de bêches et de houes pour défendre la cité. Le boulanger Harelle et les gardes lancent des pierres du haut de la voûte. Les bouchers font barrage à l’aide de tables, de bancs, de fûts en bois et de tréteaux. La bataille fait rage. Le chevalier Krantz et les soldats lorrains sont contraints de battre en retraite et essayent de se glisser sous la herse. Berthold Krantz est tué d’un coup de hache en tentant de passer sous la herse après avoir couvert ses compagnons. L’armée ducale laisse dernière elle 35 morts et cinquante prisonniers. Le Duc de Lorraine Nicolas Ier se retire et meurt quelques mois plus tard. Son successeur, René II, signe la paix avec les Messins.

Rédigé par Thomas RIBOULET

Président-fondateur du Groupe BLE Lorraine et Rédacteur en Chef de BLE Lorraine.

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