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Du drame de Louis Ladurelle au bourreau de Cayenne

Second épisode de l’histoire du Lorrain Louis Ladurelle. Dans le premier, qui détaillait sa jeunesse, je vous annonçais que nous ne savions pas grand-chose de la période antérieure à la Guerre de 1914-1918. Ce passé ressurgit à présent dans les commentaires des journaux de l’époque.

De retour au pays, Louis retrouve une femme qu’il avait connu avant la grande guerre. Voilà une information que nous ne connaissions pas. Cette femme, nommée Marie Muller et épouse de Michel Reinert de Moyeuvre Grande, n’a pas très bonne réputation. Curieuse retrouvaille car cette femme est de douze ans son ainée. Elle se maria en 1895 avec Michel Reinert alors qu’elle n’avait que 17 ans. Nous ne savons pas si le couple a eu des enfants car le seul élément porté à notre connaissance est que Michel Reinert vivait toujours en 1921 à Rumelange au Luxembourg. Malgré sa mauvaise conduite et sa légèreté, Louis accepta de vivre maritalement avec elle. Elle prit sur lui une telle emprise qu’il n’eut pas l’énergie de rompre, quoiqu’elle eût vite gaspillé l’argent qu’il lui avait donné.

Le 15 janvier, après une hospitalisation, Louis retrouva sa compagne attablée avec des Russes dans le Café Peiffer à Knutange. Agacé, il lui demanda de le suivre et de rentrer chez eux, dans une chambre qu’il avait louée à Fontoy à l’Auberge Neu. Elle refusa et il lui aurait dit ce soir-là, d’après la tenancière du café : « je t’arrangerai ».

Malgré le fait d’être rentrée seule, le lendemain matin, Marie Muller, réintégra la chambre de Fontoy et se réconcilia avec Louis. Le soir même, ils se retrouvèrent à l’Auberge Neu de Fontoy et, comme elle avait le contact facile, ils entamèrent une conversation avec deux mineurs de fond nommés Maliska et Junker. Choqué par la tournure des propos, Louis demanda à sa compagne la clef de la chambre et quitta silencieusement le groupe. Quelques minutes plus tard, il revînt sans que personne ne lui demanda quoi que ce soit.

Marie recommanda une bouteille de vin. Afin d’économiser les éclairages de la salle principale, le groupe, accompagné du patron de l’auberge, se déplaça dans la cuisine pour continuer leur discussion. Peu avant 23 heures, pendant que le patron s’était absenté pour fermer les portes de l’établissement et que les deux mineurs de fond étaient sortis pour satisfaire un besoin naturel, Louis se jeta sur Marie en lui trancha la gorge avec son rasoir. Rasoir qu’il était allé chercher dans la chambre. La femme s’affaissa, l’artère carotide et le larynx tranchés.

Au tribunal, la physionomie de Louis Ladurelle, avec ses moustaches de vieux grognard et sa tenue au garde à vous les talons joints, en signe de respect, ne furent pas le poids devant le juge, compte tenu surtout des peines déjà purgées auparavant et de la préméditation affirmée de son acte. Néanmoins, le jury ne suivit pas la demande du ministère public qui demandait la perpétuité et condamna finalement Louis Ladurelle à vingt ans de travaux forcés, reconnaissant des « circonstances atténuantes » (Extrait du journal Le Lorrain du 17 mars 1921).

Le 20 décembre 1921, Louis monta à bord du bateau « La Martinière » pour rejoindre le port de Saint-Laurent de Maroni à Cayenne. Ceux qui ont lu des livres sur le bagne comme celui de « Papillon » connaissent les difficultés de la vie des forçats de Cayenne et les astuces de survie.

Il n’y avait en effet pas de passe-droit et il fallait se plier aux règles et aux exigences des responsables. Six mois après l’arrivée de Louis, le directeur du camp cherchait un nouveau bourreau car celui en place avait fait quelques escroqueries et une dizaine d’assassinats obscurs dans les forêts entourant le bagne. Louis Ladurelle posa alors sa candidature et fut immédiatement retenu comme bourreau du bagne de Cayenne.

Le bourreau avait des privilèges et ne vivait pas dans le bagne, mais à l’extérieur dans une maisonnette. Il était entièrement libre de ses allers et venues. Cependant, le rôle de bourreau était très mal vu. Celui-ci s’exposait à des vengeances implacables dans ce monde de terreur. Il n’était pas vêtu en forçat et avait le droit de mettre des chaussures. Il exerçait même un petit métier de cordonnier ressemeleur.

Louis Laudurelle prenait la mission de bourreau comme une tâche officielle et répondait aux curieux qu’il acceptait cette mission sans culpabilité ni amertume. Jusqu’à présent, les commentaires à son sujet étaient plutôt objectifs, sans faire de panache ni d’esclandre. Mais tout cela changea très vite, tant les médias de l’époque s’acharnèrent par la suite à noircir son image.

Rédigé par Ernest VARNIER

Président de l’Association Patrimoine et Mémoires d’Amnéville pour le Groupe BLE Lorraine.

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