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Histoire de la première université de Lorraine à Pont-à-Mousson

université Lorraine

Façade Renaissance de l'ancienne université de Pont-à-Mousson (Crédits photo : François Bernardin)

A mi-chemin entre Nancy et Metz, de part et d’autre de la Moselle, la petite ville de Pont-à-Mousson peut se targuer d’abriter un patrimoine remarquable, principalement représenté par les élégantes arcades de la Place Duroc, la maison Renaissance dite « des sept péchés capitaux », les formes gothiques de l’église Saint-Martin ou encore l’impressionnante Abbaye des Prémontrés. De part et d’autre du pont qui a donné jusqu’au nom de la ville, l’amateur de vieilles pierres trouvera donc, à Pont-à-Mousson, des maisons anciennes, des monuments et des églises remarquables. En somme, de quoi satisfaire sa curiosité et sa soif d’authenticité.

Mais une telle richesse patrimoniale n’est jamais anodine. A Pont-à-Mousson, celle-ci s’explique à la fois par l’histoire et par la géographie. Car c’est bien le pont, construit au pied de la Colline de Mousson qui va assurer, dès le Moyen-âge, l’essor et la prospérité de la cité. Parce qu’il est l’un des rares passages sur la Moselle, ce pont fait l’objet de toutes les convoitises. Assiégé à plusieurs reprises, le site finit pourtant par échoir aux Comtes, puis Ducs de Bar, qui décident d’affranchir la ville en 1261. Très vite, des artisans et des commerçants s’installent de part et d’autre du pont et une bourgade, tranquille, se développe de part et d’autre de la Moselle. Erigée au rang de cité par l’Empereur Charles IV en 1372, la ville est alors dirigée par un conseil de quarante officiers, par sept échevins et par un maire, selon un modèle fréquent à l’époque.

Mais c’est surtout au XVIème siècle que Pont-à-Mousson va connaître un essor fulgurant. Désormais entré dans l’apanage des Ducs de Lorraine, le marquisat du Pont, comme on disait alors, est situé au cœur d’un Etat qui connaît alors son apogée. Un petit Etat riche, prospère, mais qui reste menacé, au Nord et au Sud, par ce qu’on désigne alors sous le nom « d’hérésie protestante ». Pour lutter contre cette nouvelle religion et pour maintenir le Duché de Lorraine dans le giron catholique, le Duc Charles III et son cousin, le Cardinal de Lorraine, décident, en 1572, de fonder, à Pont-à-Mousson, une université. Confiée aux Jésuites, congrégation de religieux zélés qui vient d’être fondée par le pieux Ignace de Loyola, cette université se veut être un bastion du catholicisme aux portes d’un Saint-Empire qui n’a de saint que le nom. Il s’agit, en outre, de faire rayonner la Contre-Réforme. De diffuser, jusque dans cette terre d’entre-deux qu’est la Lorraine, les résolutions qui viennent d’être entérinées par le Concile de Trente. Et le pape l’a bien compris, qui promulgue la bulle in supereminenti, par laquelle il officialise la création d’une université à Pont-à-Mousson.

Installée en rive droite de la Moselle, dans les locaux de l’actuel Lycée Marquette, l’université connaît un rapide envol. Au début du XVIIème siècle, elle ne compte pas moins de 1 200 étudiants, venus évidemment de Lorraine, mais aussi des Royaumes de France et de Bohême, des Pays-Bas espagnols, du Duché de Savoie et même d’Ecosse ! Les études se partagent en quatre facultés : théologie, arts, droit et médecine. Les cours sont dispensés en latin et c’est également dans cette langue que les étudiants doivent rendre leurs travaux. Même les pièces de théâtre, censées être un peu plus récréatives que les cours magistraux, sont jouées en latin ! Assurément, on est encore loin des étudiants de mai 68. Quoique …

Dans le premier quart du XVIIème siècle, on relève en effet plusieurs heurts entre les étudiants de l’université de Pont-à-Mousson. Ceux qui peuplent la rive gauche de la Moselle et notamment le quartier Saint-Laurent, n’étant pas, contrairement aux étudiant qui vivent en rive droite, sous la férule des austères Jésuites, en profitent pour se livrer à toutes sortes de débordements. Les salles de cours sont bien souvent moins fréquentées que les tavernes et il se raconte qu’on entend parfois, dans les rues de la cité, des chansons grivoises qui vont jusqu’à brocarder certains enseignants. La querelle entre rive gauche et rive droite atteindra même son paroxysme avec la guerre dite « des imprimeurs ». Certains étudiants soutenaient en effet que sur les thèses imprimées à Pont-à-Mousson, il fallait noter, en latin, Ponti Mussoni. Mais d’autres, par érudition ou par pur esprit de contradiction, assuraient qu’il était plus correct d’inscrire Mussiponti. La querelle, on s’en doute, a fait couler beaucoup d’encre mais, en définitive, ce sont bien ces derniers qui ont remporté la bataille puisqu’aujourd’hui encore, les habitants de Pont-à-Mousson sont appelés les Mussipontains !

Mais cet essor finit par être coupé net. La Guerre de Trente Ans et les nombreuses occupations françaises que la Lorraine a eu à subir au XVIIème siècle ont eu raison du dynamisme de Pont-à-Mousson. L’université n’attire plus guère. Les grands esprits se rencontrent désormais à Paris, à Prague, à Londres ou à la cour de quelques monarques éclairés. En 1768, soit deux ans après l’annexion de la Lorraine au Royaume de France, l’université mussipontaine est transférée à Nancy. Pont-à-Mousson ne conservera qu’une école militaire qui, bien que réputée, ne parviendra pas à s’enraciner dans le paysage local. Depuis la fin du XVIIIème siècle, c’est donc à Nancy que bat le cœur de la vie estudiantine lorraine. Nancy, qui compte aujourd’hui 6 000 universitaires qui permettent à quelques 50 000 étudiants de se former dans des filières variées, telles que les lettres, la médecine, le droit, les sciences de l’ingénieur, le commerce, l’économie, etc. Nancy, qui a fusionné en 2012 ses trois universités avec l’Université Paul Verlaine de Metz, pour former ce qu’on appelle désormais l’Université de Lorraine.

Ou comment l’université fondée en 1572 par le Duc et le Cardinal de Lorraine a su, tel un valeureux phénix avide de science et de connaissance, constamment renaître de ses cendres.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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