Menu
in ,

Stanislas et les Hussards de Bercheny

Hussards

Dans le cadre d’un partenariat avec le site historique du Haras de Sarralbe, nous vous proposons de découvrir en exclusivité une série d’articles consacrés à ce monument emblématique du Pays d’Albe. Cinquième épisode de cette saga au Siècle des Lumières sous le règne de Stanislas Leszczynski, dernier Duc de Lorraine et de Bar.

Nous sommes en 1737. Stanislas Leszczynski, né en 1677 à Lemberg en Pologne, actuelle Lviv en Ukraine, et décédé en 1766 à Lunéville, est nommé Duc de Lorraine et de Bar. Ce personnage haut en couleur n’a semble-t-il jamais séjourné au Domaine du Haras de Sarralbe. Le site est en effet devenu dès 1736, année du départ de chevaux pour l’Autriche formalisée par « les préliminaires de Vienne » dès 1735, en premier lieu un domaine agricole … Mais pas exclusivement.

Stanislas, un nouveau Duc pour les Duchés de Lorraine et de Bar

Rappelons que Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV, a pris la succession de François III. En effet, pour mettre fin à la guerre de succession de Pologne et conformément aux propositions du Cardinal de Fleury, l’Empereur du Saint-Empire Romain Germanique, Charles VI, lui a remis les Duchés de Lorraine et de Bar, lesquels, à la mort de Stanislas, deviendront français. Il possède donc ce domaine à titre viager.

Il faut préciser que Stanislas est très jeune quand il épouse Catherine Opalinska (1682-1747), fille d’un magnat polonais. De ce mariage naissent deux filles. Marie, alias Marie Leszczynska, qui épousa Louis XV en 1725, et Anne, qui décéda en 1717 par un met destiné à son père. Elle est enterrée au prieuré guillemite de Graefinthal, actuellement en Allemagne, situé à moins de trente minutes de Sarralbe.

En 1714, Charles XII, Roi de Suède et Duc de Brême-et-Verden, confère à Stanislas la jouissance de sa principauté de Deux-Ponts (Zweibrücken), proche de la Lorraine. A la mort de Charles XII en 1718, Stanislas et sa famille trouvent refuge auprès du Duc Léopold Ier de Lorraine, beau-frère de Philippe d’Orléans. Ce dernier est couramment appelé le Régent, parce qu’il gère le Royaume de France pendant la minorité de Louis XV. Stanislas et sa famille sont accueillis sur le territoire français, à Wissembourg, en Alsace. Ils vivent d’un revenu modeste, grâce à une pension de mille livres par semaine octroyée par le Régent.

En 1725, le mariage de Louis XV, alors âgé de quinze ans, avec la fille de Stanislas, Marie Leszczynska, âgée de 22 ans, sort la famille de son exil et propulse de nouveau l’ancien roi sur la scène européenne. Ce mariage étonnant serait le résultat d’intrigues nobiliaires à la Cour de Versailles. Pour l’anecdote, elle fut une figure effacée de la Cour de Versailles par le nombre de maîtresses de son mari, en particulier, la Marquise de Pompadour.

En plein Siècle des Lumières

Tout en participant activement au Siècle des Lumières, le roi détrôné de Pologne qui a passé une grande partie de sa vie en exil … fait créer de ville en ville. A Zweibrücken, il fait construire « Tschifflik », soit littéralement « maison de plaisance » en turc, en souvenir de son séjour à Bender, actuellement en Moldavie. Plus tard, avec son architecte Emmanuel Héré, il embellit Nancy en créant l’actuelle Place Stanislas. Il participe à la fondation de la Bibliothèque Royale de Nancy, à la Société Royale des Sciences et des Belles-Lettres ou encore à la Mission Royale aux Monuments. Au Château de Lunéville, où il finit sa vie, il enrichit les jardins de pavillons exotiques dédiés aux réjouissances de la cour.

Stanislas met aussi en place des initiatives sociales en avance sur son temps : écoles, hôpitaux, bibliothèques publiques, greniers collectifs, secours aux plus démunis, etc. Il jette même les bases d’une cité idéale inspirée de ses propres réalisations dans L’entretien d’un Européen avec un insulaire du Royaume de Dumocala. Il écrit cet ouvrage en 1752. Il a 75 ans.

S’il est en avance sur son temps, Stanislas ne prend pas de décisions politiques

Mais Stanislas ne détient en réalité qu’une apparence de pouvoir. S’il possède dans ses appartements de Lunéville une salle du trône, il ne prend pas de décisions politiques. Cette mission revient à son Chancelier Chaumont de La Galaizière.

Ces détails historiques de présentation des personnages nous ramènent en 1736. Stanislas a quitté Königsberg, ancien nom de l’actuelle ville russe de Kaliningrad, pour le château de Meudon.

Après avoir abdiqué officiellement du trône de Pologne, il est contraint par les ministres de Louis XV de signer une déclaration secrète, appelée Déclaration de Meudon, par laquelle il déclare ne pas vouloir se « charger des embarras des arrangements qui regardent l’administration des finances et revenus des Duchés de Bar et de Lorraine ». Stanislas s’en remet donc au Roi de France, qui entre en possession des Duchés « dès maintenant et pour toujours ».

Antoine-Martin Chaumont de La Galaizière sur le devant de la scène lorraine

En compensation, Stanislas reçoit une rente annuelle de 1 500 000 livres, qui serait portée à deux millions au décès de François III, Grand-duc de Toscane. Stanislas s’engage à nommer « un intendant de justice, police et finances … ou autre personne sous tel titre et dénomination qu’il sera jugé à propos, lequel sera choisi de concert avec Sa Majesté Très-Chrétienne. Ledit intendant ou autre exercera en notre nom le même pouvoir et les mêmes fonctions que les intendants de province exercent en France. » Stanislas agréé, avec le titre de Chancelier, le 18 janvier 1737, le beau-frère du Contrôleur Général Orry : Antoine-Martin Chaumont de La Galaizière, qui avait été proposé par le Cardinal de Fleury. Celui-ci prend possession au nom de Stanislas, le 8 février 1737, du Duché de Bar et de Lorraine.

Stanislas est fraîchement accueilli par la population lorraine, très attachée à la famille ducale, et son intendant Chaumont de la Galaizière est unanimement haï. Toujours est-il qu’en cette période le Domaine du Haras est libre de chevaux de la garde royale, comme ils sont partis en convoi pour l’Autriche l’année précédente.

Stanislas et le Banat : un peu de Lorraine à l’Est de l’Europe

Notons un fait parallèle à cette prise de pouvoir. Si, à partir de 1736, Stanislas investit dans de belles mais ruineuses institutions, les populations des campagnes succombent, accablées par le poids de tant de charges. La cour souveraine ordonne une enquête sur l’état du Duché qui révèle entre autres résultats que 23 590 cultivateurs sont réduits à la misère et contraints à fuir leur patrie, quelque peu avantagés du soutien de leur ancien Duc François III. C’est ainsi que jusqu’en 1773, des milliers de Lorrains et d’Alsaciens partent en direction de cette nouvelle terre d’accueil, située aujourd’hui à cheval sur les actuelles Roumanie, dont la principale agglomération est aujourd’hui Timisoara, Serbie et Hongrie. Si le parcours et la vie de ces migrants devenus banatais est loin d’avoir été un long fleuve tranquille, la Seconde Guerre mondiale ne les épargnera pas non plus.

La venue des Hussards de Bercheny au Domaine du Haras de Sarralbe

Dans la répartition des troupes élaborée au cours de l’été 1737, les hussards de Bercheny, levés en Alsace et en Lorraine dès 1720 par le Comte de Bercheny, patriote hongrois proscrit par les Habsbourg, se mettent au service de la France. Le régiment, stationné à Sélestat, est prévu pour passer en Lorraine ou dans les Evêchés. Le 29 août, le Duc de Belle-Isle, Gouverneur des Trois-Evêchés, propose de le mettre à Châtel-sur-Moselle et à Charmes, à cinq lieues de Lunéville. En effet, le Comte de Bercheny, de grande naissance mais sans fortune, a été invité par Stanislas, dont il était le grand écuyer, à venir s’établir avec sa famille à Lunéville à la Cour de Lorraine. Il est, selon Belle-Isle, « celui qui a le plus besoin de cette commodité ». Le premier commis des Bureaux de la Guerre lui répond que « le Régiment de Bercheny m’a paru mieux convenir à portée de la Sarre », ce dont Belle-Isle convient. Le régiment quitte donc Sélestat le 1er octobre pour Sarralbe.

Comme le Haras de Sarralbe se trouve libre, le Chancelier de La Galaizière le met à la disposition des hussards. Savait-il que celui-ci était loué à deux fermiers Jean-Georges Schlick et Nicolas Sauvage ? Ceux-ci supportent mal la cohabitation, les contestations dans le partage des locaux et du fourrage engrangé. Une procédure pour obtenir le départ des hussards s’en suit.

En juillet 1738, le Duc Stanislas propose un changement dans les garnisons : Bercheny-Hussards doivent aller à Saint-Avold. Le Comte de Ségur, Inspecteur de la cavalerie dans les Trois-Evêchés, passe le régiment en revue à Sarralbe les 9 et 10 août 1738 et celui-ci fait mouvement le 11, sous les ordres du Lieutenant-colonel Bonnaire, pour s’établir le 12 dans ses nouveaux quartiers à Saint-Avold.

Hussards, cuirassiers, hôpital et incendie

Dans les archives municipales, la présence au Haras de Bercheny-Hussards en 1737-1738 n’est pas évoquée. Toutefois, les archives privées de l’ancien propriétaire, Yves Loth, possèdent la copie d’un plan conservé à Paris aux Archives Nationales et représentant « le rez-de-chaussée du haras du Roy près de Sarralbe ». Sur ce plan datant de 1735, on avait marqué en 1738 la répartition des écuries entre les fermiers et une unité de hussards, mais sans autre précision.

Sous le Premier Empire, le dépôt du 3ème Régiment de Cuirassiers se trouvant en garnison à Sarreguemines, ceux-ci y ont leurs chevaux au vert pendant quelques années. Les dernières troupes qui y séjournent sont des hussards prussiens, en 1815.

Un incendie a détruit en 1825, la moitié du bâtiment principal, servant de caserne. Le Haras a été rebâti avec une moindre élévation. Notons également que le Haras a servi d’hôpital pour les blessés de la Première Guerre mondiale entre 1914 et 1918.

Décès de Stanislas Leszczynski et annexion des Duchés de Lorraine et de Bar au Royaume de France

En 1766, Stanislas Leszczynski, Duc de Lorraine et de Bar, met le feu à sa robe de chambre en s’approchant de la cheminée de ses appartements situés au Château de Lunéville. Obèse, âgé et malvoyant, il ne parvient pas à éteindre l’incendie. Lorsque l’on finit par l’entendre, il est déjà gravement brûlé. L’histoire gardera une de ses phrases brillantes. « Madame, qui eut cru qu’à nos grands âges, nous brûlerions un jour des mêmes feux ? », dit-il à sa vieille gouvernante qui essaye de l’éteindre. Il succombe à ses blessures à 88 ans. C’est à cette date que les Duchés de Lorraine et de Bar sont annexés au Royaume de France. Après plus de huit siècles d’indépendance, la Lorraine n’est donc plus un Etat souverain.

Rédigé par Katia SCHLICH

Auteure d'un site internet historique sur le Haras de Sarralbe en Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

Répondre

Quitter la version mobile