Guerting, petite commune située entre les terres lourdes du plateau de Coume et les sols sablonneux de Ham-sous-Varsberg, a vu ses premiers cerisiers plantés à l’aube des années 1800. Il faut dire que le terroir, le climat et le relief sont favorables à cette exploitation, tout comme à Berviller, Dalem ou encore Boucheporn. Cependant, le développement de la cerise noire, typique de Guerting, reste un mystère devenu variété.
Au XXème siècle, avec l’arboriculture familiale, la production de cerise est importante et les débouchés sont nombreux. Le produit se décline ainsi en fruits de bouche vendus sur les étals à Boulay et à Saint-Avold, en conserves et en confitures et bien entendu en kirsch. Mais après la Seconde Guerre mondiale, l’avènement du charbon assura le plein emploi, si bien que la culture de la cerise ne fut malheureusement plus considérée comme une priorité. Les producteurs se tournèrent alors vers la distillation. Dans cet art, Guerting obtint rapidement ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, la distillerie ne désemplie pas. Les bonnes années, plus de mille alambics sont distillés. Le bouilleur de cru travaille toute l’année, afin d’obtenir ses quelques litres d’eau-de-vie. Il y a tout d’abord le travail au verger avec la plantation, le greffage, la taille et le traitement des arbres avant la cueillette. Vient ensuite le temps de la mise en fûts pour la fermentation des fruits. C’est au cours de cette étape que se forme l’alcool. La distillation arrive plus tard pour séparer la masse de fruits fermentés de l’alcool. Il reste enfin à couper l’alcool avec de l’eau avant d’embouteiller la précieuse boisson. Autrefois, on produisait de l’eau-de-vie à 53° surtout pour masquer les mauvais goûts et éviter de troubler l’alcool avec de l’eau de coupage. De nos jours, l’eau-de-vie est produite à 46-48° en éliminant les produits de tête et de queue. Le coupage se fait de même qu’avec de l’eau faiblement minéralisée. Si cet art séculaire a encore de beaux jours devant lui à Guerting, la culture de la cerise noire est quant à elle déclinante dans la commune. En 1997, le syndicat des arboriculteurs recensait 9 250 arbres fruitiers à Guerting, don 3 400 cerisiers. Parmi ces derniers, 550 étaient malades. Aujourd’hui ce nombre a triplé et la plantation de jeunes arbres devient rare. Le constat est ainsi sans appel : un tiers des arbres a disparu et les vergers agonisent. Selon les plus anciens, le mode de vie actuel en est principalement responsable. Les gens ne trouveraient plus le temps de s’occuper des vergers, le mari et la femme travaillant. A cela s’ajoute les constructions récentes, où il n’y a plus de place pour les fûts ou les échelles, la sécheresse et les hivers doux qui entraînent leur lot de parasites, la régression des insectes pollinisateurs comme les abeilles, etc. Bref, la capitale lorraine de la cerise noire est menacée. Une mesure évidente serait peut-être déjà d’imposer la plantation d’au moins un cerisier pour chaque nouvelle parcelle aménagée. Un verger communal pourrait de même être créé.