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Vézelise ou le pot de chambre de la Lorraine ?

Vézelise dans le Saintois (Crédits photo : commune de Vézelise)

Et si, aujourd’hui, on longeait les rives du Brénon, insignifiant cours d’eau le long duquel s’est pourtant construit la petite ville de Vézelise.

C’est un bourg, un gros village, un amas de maisons grisâtres duquel sort un haut clocher d’ardoise que quelques sorcières semblent avoir vrillé. Il ressemble, ce clocher, à un parapluie fermé. Un parapluie démesuré, et qui paraît vouloir se hisser au-dessus des collines, comme pour voir autre chose que les pentes roussies, où paissent, indolentes, quelques vaches alanguies. Car Vézelise, c’est un trou. Une cuvette. Un pot de chambre. Quelques mauvaises langues l’appellent en effet le pot de chambre de la Lorraine. Pas tant parce qu’il y pleut tout le temps. Non, c’est plutôt à cause du Brénon. Le ruisseau qui, ici, ressemble à une pissotière et dont l’eau, d’une couleur douteuse, pourrait inspirer quelque peintre en mal de sensationnel. Vézelise, le pot de chambre de la Lorraine. Peut-être. Mais un pot de chambre de luxe alors. Car comment expliquer, sinon, la richesse des vitraux que j’ai vu dans l’église Saint-Côme et Saint-Damien ? Datant, pour la plupart, du XVIème siècle, ils montrent, ces vitraux, tous les saints du paradis : Barbe et sa tour, Sébastien criblé de flèches, Roch et son caniche, Nicolas et son tonneau duquel jaillit une marmaille dépenaillée, Madeleine et sa chevelure à faire pâlir tous les coiffeurs de la région, et même Antoine, le duc et non le saint, en prière devant tout ce joli monde. Face à lui, à l’opposé du chœur, se dresse un orgue exceptionnel. Il date de la fin du XVIIIème siècle et nous vient de l’ancienne abbaye de Beaupré. Des tuyaux partout, et qui ont craché, pour ma visite, une musique des plus suaves ! Aucun problème de canalisation, pour ce bijou installé dans le pot de chambre de la Lorraine.

pot de chambre
Vézelise, pot de chambre de la Lorraine

Et puis il y a les maisons anciennes de Vézelise. Hôtels particuliers, aux larges fenêtres Renaissance. L’Hôtel de Tavagny, notamment, a retenu mon attention. Une petite merveille, toute en tourelles et en racoins, comme on dit chez nous. Un bâtiment en belle pierre crème, et qui mériterait une réhabilitation. Qui sait, peut-être que le bâtiment finira sur la liste du loto du patrimoine qu’anime ce cher Stéphane Bern ? Si toutefois il consent à venir traîner ses guêtres dans le pot de chambre de la Lorraine.

Dans les rues de Vézelise devant l’Hôtel de Tavagny (Crédits photo : Paul SCHAACK pour le Groupe BLE Lorraine)

J’ai vu les halles, aussi. Vaste édifice de bois sous lequel se tenaient, jadis, les foires et les marchés. On y échangeait de tout. Mais y vendait-on des pots de chambre ? A deux pas de là, la porte d’entrée de l’ancien tribunal. Elle est surmontée d’une phrase en latin, que j’ai renoncé à traduire. Il faisait chaud. Je me suis installé à la terrasse d’un troquet qui affichait, sur sa façade, les grandes armes du Duché de Lorraine. J’ai commandé une bière. Une de Tantonville, brassée à deux pas d’ici. Une mousse, dégustée dans le pot de chambre de la Lorraine. Décidément, il y a des expériences qui valent la peine d’être vécues. Et tandis que j’essuyais l’écume blanchâtre qui s’accrochait à mes bacchantes, le patron du troquet m’a demandé ce que je venais voir à Vézelise. Je lui ai parlé des halles, de sa plaque de cheminée, de l’Hôtel de Tavagny, des vitraux de l’église, etc. « Et du pot de chambre ?», a-t-il alors ajouté, en m’adressant un clin d’œil. Et, comme je balbutiais, il me désigna, sur le pignon de la maison, juste au-dessus des grandes armes de Lorraine, un curieux personnage, accripoté et tout tordu, et au-dessus duquel trônait un étrange récipient. C’était un pot de chambre. Le pot de chambre de la Lorraine !

Le pot de chambre de la Lorraine sur la façade de la Brasserie la Lorraine à Vézelise (Crédits photo : Kévin GOEURIOT pour le Groupe BLE Lorraine)

Il paraît que l’autodérision est la plus belle des formes d’humour ! J’ai ri ! Et je peux même dire que j’en aurai presque pissé de rire si le pot de chambre n’avait pas été aussi haut !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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