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Le Lorrain Louis Ladurelle dans l’enfer du bagne de Cayenne

bagne de Cayenne

Troisième épisode de l’histoire du Lorrain Louis Ladurelle. Arrivé en Guyane, celui-ci est devenu ensuite le bourreau du bagne de Cayenne. Pour bien comprendre ce qu’était l’ambiance dans un bagne, il faut pour cela, comme je le dis souvent, planter le décor. Je me suis donc documenté auprès de certains articles et ouvrages sur le bagne et ses bourreaux.

Il faut d’abord commencer par savoir que la guillotine fut inventée par Joseph Ignace Guillotin qui la fit adopter comme unique moyen d’exécution pour raison d’égalité, en 1792 sous la révolution. Par conséquent, pendant les 170 ans de présence des guillotines, il y eut des centaines de décapitations, des centaines de bourreaux et des dizaines de guillotines d’installées en métropole et dans les colonies françaises. Mais celle qui a fait couler le plus d’encre, c’est celle du bagne de Cayenne.

Les médias parisiens missionnaient mêmes des journalistes en Guyane pour nourrir leurs lecteurs de lamentables et effrayantes histoires. Le bourreau le plus célèbre fut Isidore Hespel surnommé « le Chacal ». Né en 1867, il eut une adolescence marquée par des petits larcins et décida en 1888 de s’engager cinq ans dans la légion étrangère. Au bout d’un an, le Chacal déserta l’armée, en Algérie. Enfermé ensuite, il s’évada pour être repris et condamné à mort.

Sadi Carnot, Président de la République, le gracia et transforma sa peine en vingt ans de travaux forcés. Arrivé à Cayenne, il fut nommé bourreau et passa près de vingt ans à ce poste malgré rixes, assassinats et escroqueries. Dans la solitude du bourreau, il s’adonnait à la pêche et vendait ses prises. Un jour, un garde lui acheta ses poissons mais ne le paya pas. Il le tua froidement. Bizarrement, le tribunal maritime le condamna à cinq années de réclusion cellulaire. Il venait d’échapper une fois de plus à la guillotine. Ce genre d’emprisonnement ne l’enchanta point et il tenta immédiatement une évasion, avant d’être repris au mur d’enceinte du bagne. Quelques jours plus tard, persuadé d’avoir été dénoncé, il poignarda celui qu’il soupçonnait. Cette fois, le tribunal prononça la peine de mort.

Dès lors, les médias se sont intéressés à cet évènement. Voici quelques extraits de textes. Albert Londres, dans son livre Au bagne relate sa rencontre avec Hespel avant son exécution en expliquant à souhait des détails sordides que je ne relèverai pas. Je n’en citerai qu’un : « J’accompagnai les guillotinés en les tenant par l’oreille, afin de déposer doucement leur chef dans le panier après la tranche ».

Dans un autre article intitulé Histoire du bagne de Cayenne, on peut lire, je cite : « Démoniaque, Hespel prit sa fonction avec enthousiasme. Il détenait le record, soit trois décapitations en quelques minutes. Il n’hésitait pas, afin d’avoir de la besogne, à dénoncer ses compagnons d’infortune lorsqu’il avait connaissance d’un projet d’évasion ou d’un délit. Il avait réussi à toucher une prime pour chaque exécution ». Contrairement à presque tous ses prédécesseurs, morts assassinés, il réussit par la terreur à échapper à cette macabre destinée. Mais, il n’échappa pas à la justice du bagne. C’est Louis Ladurelle qui eut la charge de son exécution.

Pendant les quinze années qui suivirent, Louis fit son travail consciencieusement et sans faire d’histoire. Il ressemelait des chaussures et entretenait la guillotine une fois par mois. Pendant ces quinze années, il exerça onze fois sa tâche en prenant soin des condamnés et du matériel, ce qui lui valait des félicitations de la direction. Pendant ces quinze années, il ne fit aucun faux pas, ni escroquerie, ce qui était courant chez les bagnards. Il n’avait qu’une seule obsession, sortir de là.

Lorsqu’il fut gracié de sa peine, au bout de quinze années, ce n’était pas pour « bons services », mais parce que le bagne fermait définitivement. Il revînt en France avec une quinzaine de bagnards libérés. Mais du côté des médias, ce n’était pas la même musique. Les articles ont continué à traiter le bourreau du bagne comme le précédent en mélangeant tout et n’importe quoi. Consciencieusement, il réussit à disparaitre de la circulation, en laissant la rumeur sur son assassinat se propager. Le doute subsiste d’ailleurs encore.

Le quatrième épisode à venir vous fera découvrir la vérité et les amalgames, ainsi que les fausses informations qui ont pourri sa fin de vie.

Rédigé par Ernest VARNIER

Président de l’Association Patrimoine et Mémoires d’Amnéville pour le Groupe BLE Lorraine.

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