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De la Société Industrielle du Haras de Sarralbe à nos jours

Haras de Sarralbe

Vue aérienne du Haras de Sarralbe (Crédits photo : SIH)

Dans le cadre d’un partenariat avec le site historique du Haras de Sarralbe, nous vous proposons de découvrir en exclusivité une série d’articles consacrés à ce monument emblématique du Pays d’Albe. Ce dixième et ultime épisode de cette saga nous permet de faire la jonction entre la fin du XXème siècle et le début du XXIème siècle.

Un environnement et une nouvelle direction dans les années 1970 au Haras de Sarralbe

Nous sommes en 1971. Yves Loth, entré dans l’entreprise en 1951, prend la direction générale de la Société Industrielle du Haras (SIH). Il est l’époux d’Anne de Bucy. Il a une sœur, Andrée, qui a épousé Edouard Le Forestier de Quillien, officier, ainsi que deux frères, Gérard, grossiste en machines agricoles puis en pièces automobiles à Longwy, et Jean, attaché commercial d’ambassade.

Avant même la fermeture des Salines du Haras en 1966, Yves Loth s’efforce de trouver de nouvelles idées pour la reconversion de l’entreprise sarralbigeoise. Notons que la famille de son grand-père, de son père, et la sienne ont vécu et habitent encore à cette période sur le Domaine du Haras, fort de plus de deux siècles de création. Il s’agit donc d’un investissement tant professionnel que personnel.

En 1984, Benoît Loth (1958-2019), rejoint la Société Industrielle du Haras et en assure la direction générale. Il épouse Anne Boch en 1991. Ils sont parents de trois enfants : Philippine, Quentin et Victor.

En 2001, Olivier Loth (né en 1953), est invité à rejoindre l’entreprise familiale par son père et en devient PDG. Il a épousé Christine Rabelle. De leur union sont nées trois filles : Delphine, Emmanuelle et Anaïs.

Yves et Anne Loth sont également parents de Chantal, mère de famille investie dans différentes actions de bénévolat, d’Odile et de Ghislaine, infirmières. Camille Loth, dernière du nom, prend une part importante dans l’histoire de l’entreprise familiale, en devenant dirigeante, pendant de nombreuses années, de la société Sodilight, filiale SIH, basée à Gevrey-Chambertin, dans le département de la Côte-d’Or.

La Société Industrielle du Haras : une licence et des développements

En parallèle de la Saline du Haras, dont les activités s’arrêtent en 1966, les années 1960 sont associées à différentes investigations par son nouveau dirigeant, Yves Loth. Elles vont de la production de gants spéciaux pour mineurs, aux pots de yaourt en plastique, au carrelage d’aluminium émaillé, etc. Une enquête montre néanmoins que l’industrie du bâtiment offre de bonnes perspectives d’avenir. En 1960, après le rachat d’une licence à un industriel suisse, la fabrication de panneaux et coupoles translucides en polyester armé de fibres de verre est lancée. Le rachat d’autres licences permet d’étendre la gamme des fabrications sous la marque Ultralight. Les premiers salariés qui sont formés en Suisse sont Messieurs Assfeld, Port et Weber, tous venus de la région sarralbigeoise. Une première coupole est vendue pour équiper un château d’eau près de Drulingen, dans le département du Bas-Rhin. Pour l’histoire des travaux de durabilité des produits, notons qu’entre 1967 et 1969, des essais sur des plaques polyester sont réalisés au laboratoire du Séminaire de Nasso, à Bobo-Dioulasso, en République de Haute-Volta, actuel Burkina Faso.

L’année 1970 est impactée par un triste événement, qui va néanmoins développer la croissance de l’entreprise. L’incendie du 5-7, un dancing situé à Saint-Laurent-du-Pont en Isère, fait 146 morts. Les victimes, âgées de 14 à 27 ans, succombent pour la plupart par asphyxie. Il s’agit d’un drame national. Une réglementation de sécurité est alors mise en place et rend les exutoires de fumées obligatoires.

De nouvelles productions et des idées

Mais les années 1970 sont aussi l’occasion de tenter d’autres conceptions, comme celles des piscines Belform (de 1969 à 1978) qui ont un certain succès. Après plusieurs années, la production est néanmoins arrêtée en raison d’une mauvaise rentabilité due aux coûts de transport et de service après-vente. Il s’agit d’une belle expérience, mais l’usine, basée à Sarralbe, est située bien trop loin des régions ensoleillées.

On construit aussi des couvertures de stations d’épuration, des coques de voitures de marque Elestra, du mobilier urbain, et on tente même la fabrication d’un dériveur de compétition et de caissons d’isolation sensorielle, dont un prototype fabriqué par le jeune Benoît Loth et ses camarades d’études. Mais finalement, le marché des coupoles d’éclairage zénithal combiné avec les exutoires de fumée installe lentement mais sûrement la spécialisation de la Société Industrielle du Haras. Il faut préciser que la deuxième crise pétrolière rend l’utilisation du polyester très chère. L’entreprise décide de remplacer dans la mesure du possible la partie costière de ses dômes d’éclairage, par un ensemble en tôle galvanisé.

La fin des années 1970 concrétise alors deux types de fabrication : les appareils en tôle pour toitures avec étanchéité et les appareils en polyester pour toitures sèches, d’où deux méthodes de production différentes, et l’installation d’un atelier « Sito » sur les terrains réaménagés de l’ancienne saline, pour les produits en tôle de la marque Sitolight, qui accompagne désormais la gamme polyester Ultralight.

En parallèle de nouveaux modes technologiques et d’études de marchés, les métiers et les postes de travail évoluent, tout comme les savoir-faire. La direction décide de réaménager les locaux, de dynamiser l’usine par de nouvelles embauches, de transformer et de construire de nouveaux bâtiments. L’avenir fera que les coupoles polyester, assurant le remplissage des lanterneaux, seront remplacées progressivement par des plaques de polycarbonate alvéolaire de fabrication externalisée. C’est d’ailleurs pourquoi aujourd’hui on voit de moins en moins de coupoles bombées sur nos toitures.

Yves Loth, un retraité actif

En 1991, Yves Loth est mis officiellement en retraite, à l’âge 65 ans. Mais en fait, il continue à assurer la direction générale de la SIH jusqu’en décembre 2000, ne percevant aucun salaire en plus de sa retraite. Par la suite, il se met au service de la Ville de Sarralbe en tant que Conseiller Municipal (2001-2013). Il fait partie des commissions Finances, Appels d’offres et Travaux. Il sera aussi un temps administrateur de l’hôpital de Sarralbe.

La SIH entre lentement dans une période de transition

En 1998, la Société Industrielle du Haras réduit sa dénomination commerciale et devient la société SIH. Le personnel se diversifie encore et l’entreprise se développe, afin de prendre son envol vers le commerce international. L’entreprise SIH, partie de trois salariés, en compte 75 en 1982 et environ deux cents dans les années 2000. A cette date elle fournit 40 % du marché français et exporte 20 % de sa production.

En 2001, l’arrivée d’Olivier Loth fait prendre à l’entreprise un nouveau virage. Avec son frère Benoît à ses côtés, il fait le pari de certaines innovations, de modernisation et d’agrandissement des ateliers qu’il équipe de machines-outils. Il amène de nouvelles technologies informatiques. Certains bâtiments sont rénovés et d’autres encore voient le jour. Il réorganise les méthodes et les conditions de travail tout en développant le réseau de commercialisation en France et à l’étranger.

Les produits suivent les tendances du marché et se diversifient dans une nouvelle tendance de produits à vocation Haute Qualité Environnementale (HQE), à l’image des costières à rupture de pont thermique, qui permettent une importante réduction des échanges entre l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment. En 2007, avec le rachat de la société Innovation Partners, l’entreprise SIH se lance dans la protection solaire avec une technique de brise-soleil innovant. Les productions deviennent tout simplement plus design, afin de mieux convenir aux mouvances de prescription et d’architecture. Il faut s’adapter à l’évolution du marché, voire l’anticiper, tout en maintenant l’amélioration de la qualité comme but.

Le groupe HISL est créé en 2010. Avec une agence en région parisienne, la société compte alors six filiales, dont deux au Haras à Sarralbe, soit SIH et SIH Services, spécialisées dans la pose (avec laquelle la filiale Adhis basée à Miribel, près de Lyon, a fusionné en 2012) et Sodilight, basée à Gevrey-Chambertin, près de Dijon, qui est dirigée par Camille Loth, sœur d’Olivier et de Benoît. Cette société fabrique des voûtes et des produits architecturaux. Il y a aussi Innovation Partners, basée à Tournefeuille, près de Toulouse, qui fabrique des lanterneaux avec protections solaires et dont la production a été rapatriée au Haras. Et enfin SIH Lumina et SIH Maroc, entités commerciales basées respectivement en Roumanie et au Maroc.

En 2011, le groupe, fort de trois usines, emploie plus de 240 salariés. Il dénombre 16 000 mètres carrés de surface de production, 65 000 pièces produites annuellement, 80 000 mètres carrés de surface de lanterneaux filants et une présence dans plus de dix pays. Cette même année 2011, afin de restreindre le nombre d’actionnaires, le groupe HISL procède au rachat des actions d’un grand nombre d’entre eux. Parmi ceux-ci figurent les descendants historiques de la famille Seiler, les membres de la famille Loth et apparentés ne travaillant pas dans le Groupe, et quelques autres personnes ayant investi au cours des années précédentes dans la société SIH.

La fin d’une histoire et le début d’une autre

Après le décès d’Yves Loth en 2015, le groupe HISL, dont fait partie la société SIH, est vendue à un des leaders mondiaux de l’étanchéité, de la couverture et de l’isolation des bâtiments. Ainsi SIH, et le Haras dans son ensemble, intègrent un réseau international d’entreprises … et une autre « succes-story ».

Que reste-t-il aujourd’hui du Domaine du Haras ?

Après plus de trois siècles d’existence, le Domaine du Haras, jouxtant l’entreprise, est vide de ses habitants, et les années commencent à abîmer ses bâtiments. Mais si on écoute bien, l’endroit résonne encore parfois du pas des chevaux associés à son nom … que ce soit pour la force d’une cavalerie du XVIIIème siècle, pour servir de tremplin au développement d’entreprises ou tout simplement pour la passion des chevaux et de la chasse, par des propriétaires d’époques plus récentes.

Le Haras de Sarralbe renvoie aussi l’écho de générations de gens de passage, comme les boat people vietnamiens accueillis par la famille Loth sur le domaine dans les années 1970-1980, ou les ouvriers espagnols, dont le savoir-faire propre à la fabrication de bateaux (travail du polyester), a permis à l’entreprise de se développer en accueillant sur le domaine des noyaux de familles entières. Il en est de même pour les familles arrivées de Turquie ayant habité sur le site jusqu’à la fin des années 2000. La maison du Haras était grande, et Yves Loth, dirigeant d’une entreprise familiale, était souvent inspiré et soucieux de certaines valeurs fondamentales. Les routes qui mènent au Haras peuvent peut-être parfois encore vibrer de sa Citroën 2 CV.

Toutes ces périodes sont fortes d’échanges, de climats, et peut-être aujourd’hui … de sens.

Témoignage de la famille Gómez à Sarralbe

« Anna et Manuel Gómez, mes parents, sont arrivés en 1976 au Haras de Sarralbe. Leur arrivé a fait suite à une demande de Monsieur Yves Loth, alors PDG, qui avait besoin de travailleurs qualifiés. Mon père, Manuel Gómez, a débuté sa carrière dans la fabrication de coupoles polyester. Ma mère était mère au foyer. Ils ont eu cinq enfants, dont ma sœur, décédée à l’âge de douze ans. Toute ma famille a habité une dizaine d’années sur le site.

J’ai passé de belles années au Haras et j’en garde énormément de souvenirs et d’anecdotes. Les sentiers pour les promenades, les jardins à côté du domaine, les rosiers le long des murs, l’interdiction de monter aux arbres par le propriétaire, autrement appelé Monsieur Yves, qui nous courait après, des jeux sous le porche, mon cousin et son accordéon, les soirs d’été en famille devant les bâtiments …

En 1986, à la naissance du quatrième enfant de la famille, nous avons quitté le Domaine du Haras pour aller nous installer dans une maison achetée par mon père à Rech-lès-Sarralbe, soit presque à côté du Haras.

Nous sommes maintenant en 2020. Je suis l’aîné et j’aurai 42 ans le 11 février. Comme mon père, j’ai débuté ma carrière professionnelle chez SIH. J’ai travaillé à la finition des pièces dans les ateliers polyester, puis en tant que Technicien SAV entre 1997 et 2006. Après une absence de treize ans, je suis revenu en 2019 à nouveau comme Technicien SAV, cette fois-ci pour l’entreprise Bluetek, nouvelle entité commerciale basée sur le site, depuis le rachat de l’entreprise SIH, en 2015. »

Joel Gómez.

Rédigé par Katia SCHLICH

Auteure d'un site internet historique sur le Haras de Sarralbe en Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

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