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Inquiétudes autour du compteur Linky à Boulay-Moselle et en Lorraine

Il est vert et jaune. Sa pose a commencé fin 2015 et se terminera en 2021. 35 millions d’exemplaires auront alors été implantés partout en France. Voilà Linky, le nouveau compteur électrique intelligent et communicant. Presqu’entièrement installé à Boulay-Moselle, ce petit boîtier numérique inquiète.

Depuis la « loi de transition énergétique » du 18 août 2015, l’Etat français a lancé un immense programme d’installation de nouveaux compteurs d’électricité dits « intelligents ». Au total, 35 millions de ces compteurs « communicants » Linky seront installés dans toute la France d’ici 2021. 250 000 en Lorraine et neuf millions en France ont déjà été posés, à raison de 30 000/jour. Fin 2018, un foyer lorrain sur deux sera équipé. En ce mois d’avril, 25 00 compteurs l’étaient déjà à Boulay.

Pourquoi des compteurs intelligents et communicants ?

Le déploiement de Linky a commencé en novembre 2017 à Boulay et se terminera en juin 2021 sur la communauté de communes par Téterchen et Rémering. La mise en place de ces compteurs communicants est une obligation légale. Elle trouve son fondement dans une directive européenne de 2009, transposée dans le droit français en 2010. Enedis « vend » ce nouveau compteur comme un instrument « incontournable » de la transition énergétique pour « mieux gérer l’équilibre production/consommation » et « facturer la consommation réelle au lieu de la consommation estimée ». Les enjeux économiques sont énormes, les investissements et les moyens déployés colossaux, entre cinq et huit milliards d’euros. Après les compteurs bleus et blancs, le compteur Linky est la troisième et dernière génération de compteur électrique. Il est dit « communicant » car il permet de transmettre des informations à distance en utilisant la technologie du Courant Porteur en Ligne (CPL) qui superpose courant électrique du secteur et signal haute fréquence.

De la grogne et des craintes

Ce nouveau boîtier numérique jaune et vert est présenté aux usagers comme une innovation qui n’aurait que des bénéfices. Installé au pas de charge par Enedis, il suscite une vague de résistance et d’inquiétude chez les particuliers, notamment sur le respect de la vie privée et l’exposition aux champs magnétiques. Sophie et André d’Halling-lès-Boulay le refusent : « C’est comme le tabac et l’amiante, les dangers sont niés. Pas de principe de précaution. Pas de concertation, aucune information, mystère sur les données et leur exploitation. L’installateur était d’accord avec notre démarche et n’était pas prêt d’en poser un chez lui », confient-ils, tout en ajoutant que leurs parents ont connu des problèmes après la pose de Linky. A chaque allumage d’appareil, le compteur disjonctait. Que dire de ce Boulageois qui, le 17 décembre dernier, au lendemain de la pose, a vu certains de ses appareils électriques « grillés », télé, décodeurs, radio, imprimante, téléphones, etc.

Quant à Monique de Boulay, son téléphone, sa chaudière et ses lampes font n’importe quoi et aucune assistance n’est prévue. En plus, la Cour des Comptes vient de donner un carton rouge à Linky. Celle-ci juge en effet le « dispositif coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis ». Elle estime de même que « les gains que les compteurs peuvent apporter aux consommateurs sont encore insuffisants. »

Quid des électrosensibles ?

Les ondes électromagnétiques sont partout. Invisibles, elles nous entourent et traversent les corps. Pour l’instant, les scientifiques s’évertuent à brouiller les pistes. Leurs études alternent entre propos alarmistes et discours rassurants : des messages contradictoires anxiogènes qui alimentent les rumeurs. Pour Paule*, le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques, elle connaît. Elle est électrosensible (EHS) depuis une dizaine d’années, comme 5 à 8 % de la population. Bientôt à la retraite, travaillant dans un établissement public, elle habite un village de la campagne Est-mosellane. « Les premiers symptômes sont apparus quand j’étais à proximité d’un micro-onde en fonctionnement. Des maux de tête, accentués par le téléphone que j’utilisais professionnellement. Cette hypersensibilité a continué à évoluer. Je ressens la 4G chez mon voisin et la proximité des téléphones portables m’impacte directement et durement. Je ne fréquente plus certains endroits, là où tout le monde dégaine son portable : lieux publics, files d’attente, spectacles, restaurants, train, etc. Je dors mal, mon sommeil est perturbé par l’intensité des ondes. C’est l’enfer. J’éprouve une sensation de mal-être, de malaise et des maux de tête intenses. Quel est ce délire de vouloir tout piloter par les ondes : 4G bientôt 5G, Bluetooth, Wi-Fi, CPL, antenne-relais ? », explique calmement Paule, qui a un dossier médical en cours pour que l’on reconnaisse son handicap, ce syndrome excluant. Mais, comme tous les EHS, elle est victime d’une propagande massive pour nier la réalité, notamment pour les classer « malades imaginaires ». Ainsi, Enedis considère le rayonnement électromagnétique du CPL, qui envoie 24h/24 des informations sous forme de signal électrique « aussi inoffensif que les ondes d’un portable » ! La filiale d’EDF omet de parler des concentrateurs, il y en aura 34 à Boulay, ces mini-antennes-relais chargées de communiquer par Wi-Fi les données envoyées par Linky. Dans ces conditions, Paule le refusera et ajoute « Je trouve insensé que l’on mette en place au niveau national un système sans être sûr de son innocuité. Cette frénésie des pouvoirs publics me fait peur : c’est David contre Goliath. J’essaie de rester positive, de ne pas baisser les bras, notamment grâce à l’association « Priartem » qui défend les électrosensibles en France. Mais, en 2021, pourrais-je encore vivre dans ma maison, qui est encore ma zone de confort et de sécurité sanitaire ? Pour combien de temps ? »

Paroles d’Enedis

Frédérique Lava-Stien est directrice territoriale à Enedis Moselle, chargée des relations avec l’ensemble des élus du monde institutionnel et économique.

« ERDF, filiale à 100 % d’EDF, créée en 2008, devenue Enedis en 2016, est un service public qui gère 95 % de la distribution de l’électricité sur le territoire français pour le compte des collectivités locales, propriétaires des réseaux électriques. En Moselle, Enedis emploie 330 personnes sur treize sites d’exploitation. 180 emplois, dont treize à Boulay, ont été créés pour installer Linky. Agiscom est l’un des seize sous-traitants choisis pour la pose. Le déploiement a commencé en décembre 2015 sur le Grand Nancy. Le rythme d’installation suit son cours normal et l’acceptabilité est très bonne sur le territoire avec 1 % de refus. Sans la réussite de ce projet d’intérêt général, il n’y a pas de transition énergétique. Quant aux vieux compteurs, ils sont recyclés par Lorraine Atelier à Rombas. »

Quelques chiffres

Ces chiffres datant de ce mois d’avril illustrent l’inquiétude et l’opposition grandissantes à ce compteur qui électrise les débats :

  • 580 communes, dont Hunting, Sérémange et Seingbouse en Moselle, ont voté « non à l’installation de Linky » ;
  • Près de 1 000 collectifs « Anti-Linky » ont vu le jour, notamment à Yutz et à Distroff ;
  • Plus de 3 800 personnes sont inscrites à une action collective en justice contre Enedis ;
  • Linky serait à l’origine de 71 incendies depuis le début de l’année.

* Le prénom a été changé.

Rédigé par Jean-Marie MATHE

Passionné de médias et correspondant local en Pays Boulageois pour le Groupe BLE Lorraine.

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