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Anniversaire de l’Empereur pendant l’Annexion en Moselle

Visite de l'Empereur Guillaume II à Metz en 1903 sur l'actuelle Place Mondon

La date ne vous dira probablement rien. Pourtant, le 27 janvier a longtemps rimé, en Alsace et en Moselle, avec défilés et autres festivités. La raison ? Un anniversaire. Et pas n’importe lequel ! Celui de l’Empereur Guillaume II, qui régna sur l’Allemagne de 1888 à 1918.

Né à Berlin le 27 janvier 1859, Guillaume II succède en 1888 à son père l’Empereur Frédéric III, qui n’a régné que 99 jours et qui succédait lui-même à Guillaume Ier, celui qui, en 1870, avait conquis l’Alsace et une partie de la Lorraine. Prince introverti, discret mais d’une volonté tenace, il était passionné d’histoire, de costumes et d’architecture. En Lorraine, où il aimait venir se ressourcer dans sa propriété de Courcelles-Chaussy, alors rebaptisé en Kaiser-Kurzel, il laissa d’importantes marques de son passage, à Metz notamment.

Empereur Guillaume II
Le Kaiser Guillaume II en 1902

De 1888 à la fin de la Première Guerre mondiale, la Lorraine annexée célébra donc, pendant trente années, le Kaiserstag ou anniversaire de l’Empereur. Equivalent à peu près au 14 juillet français, le Kaiserstag était l’occasion, pour les Lorrains d’adoption qui pouvaient se montrer attachés à l’Empire, de décorer leurs maisons et d’assister aux défilés militaires. Maurice Barrès, dans son célèbre roman intitulé Colette Baudoche, se fait l’écho, avec beaucoup d’ironie, d’une de ces fêtes données en l’honneur du Kaiser. Il y note : « Bientôt, les immigrés commencèrent à parer leurs maisons. Ils s’y employaient avec zèle. Montés sur des échelles, penchés à leurs fenêtres, ils exposaient des bustes de Guillaume II, clouaient des draps et des branchages, collaient des aigles stylisées, étalaient des éventails de couleur tendre et piquaient dans la mousse une multitude de petits drapeaux […] Heureusement, les charcuteries étaient en liesse, qui présentent, dans les quartiers germanisés, une espèce de physionomie officielle et tiennent, avec plus de splendeur, le rang de nos bureaux de tabac. Leur parfaite satisfaction corrigeait l’aspect un peu funéraire de cette ville parée à la prussienne. »

Passage magnifique, un tantinet sarcastique, et qui ne doit nous faire oublier l’autre réalité du Kaiserstag. Pour les vieux Lorrains de souche, cette fête patriotique, toute teutonne, était souvent perçue comme un véritable camouflet. Plusieurs témoins, aujourd’hui très âgés, nous ont rapporté que leurs parents et grands-parents avaient coutume de se rendre « en France » lors de l’anniversaire de l’Empereur. Ils embarquaient à Metz ou à Château-Salins pour gagner Nancy ou le petit village d’Arnaville. Ceux qui ne pouvaient faire le déplacement se contentaient, ce jour-là, de porter le deuil. Un moyen comme un autre de proclamer la fameuse devise : « Français ne peut, Allemand ne veut, Lorrain je suis ! »

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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