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Le deuxième sexe en Lorraine

Historiquement, les dénominations pour désigner la femme ne manquent pas.

Au Moyen-âge, on disposait de «  la dame », inspirée de la très vertueuse Vierge Marie, honorée par les chevaliers et chantée par les troubadours, laquelle était de la plus haute perfection, tant physique que morale, et il aura fallu le cynique Tristan et Yseult de Béroul pour insinuer qu’elle pouvait fort bien faire porter des cornes à son mari, et les croisades pour que Guillaume le Conquérant se résigne à faire porter une ceinture de chasteté à la sienne. François Villon ne les avait pourtant pas attendus en évoquant en se pinçant bien fort les narines les « ordes putains » des tavernes et des trottoirs parisiens.

Au XVIIème siècle, on évoqua le « beau sexe », pour signifier que l’essentiel de ses qualités résidait dans ce que l’on qualifiait avec gourmandise de « charmants appâts ». Les « Précieuses » tenaient alors régulièrement salon et il n’est guère que ce fripon de Molière pour oser évoquer leur inconstance et leur frivolité sous les traits de la papillonnante Célimène du Misanthrope.

Au XIXème siècle, où la romanesque Emma Bovary de Flaubert partagea la faveur des lecteurs avec la pathétique Nana de Zola, on évoqua le « sexe faible ». Ce qui eut l’heur de déplaire aux suffragettes venues des Etats-Unis qui engendrèrent alors, à défaut d’enfants, le « féminisme ».

Au XXème siècle, le parler populaire, volontiers misogyne, privilégia les noms d’animaux, volatiles essentiellement. La « poule » désigna la maîtresse ou la prostituée, quand « la dinde » ou la « bécasse » mirent plutôt l’accent sur le volume supposé ridicule de leur cerveau. Elle était aussi gratifiée de termes usuels désignant des objets, tel le « cageot » (j’ignore pourquoi), ou le « brancard », car, à l’instar de la brouette, il convient de se glisser entre les deux linteaux pour qu’elle remplisse son office. Leur naissance impromptue laissait d’ailleurs pantois nos braves paysans, lesquels espéraient ardemment un fils capable de reprendre le domaine, si bien que plus d’un dépité se serait écrié devant la pénible découverte : « Merde, encore une fendue ! »

A l’époque de Sacha Distel, on parla de « gonzesse », de « nénette », ou de « minette », et à celle des rappeurs, qui estimèrent révolutionnaire de ressusciter le verlan, de « meuf ».

Quant à nous, Lorrains, nous disposons de la « pinéguette », dont l’origine est inconnue, et de la « zaubiotte », notamment dans les Vosges, affectueux diminutif d’Elisabeth.

« Avis à la population ! » (roulement de tambours) : « Suite à la mutation historique intervenue au courant du XXème siècle grâce à laquelle ce sont désormais aussi les mâles qui changent les couches, font les courses et lavent la vaisselle, les « hommes » s’appelleront désormais des « femmes » et les « femmes » des « hommes » ! Question d’égalité.

Rédigé par Jean-Paul BOSMAHER

Professeur de lettres à la retraite et écrivain pour le Groupe BLE Lorraine.

M. BOSMAHER est l’auteur de plusieurs ouvrages de références sur la Lorraine, dont notamment le « Parler Lorrain » paru en 2014 aux Editions du Quotidien.

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