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A la recherche de la Duchesse Hadwide de Namur

Le site historique du prieuré de Châtenois dans les Vosges (Crédits photo : Christophe LABAYS pour le Groupe BLE Lorraine)

Au moment même où j’ai eu ces vieux textes en mains, j’ai tout de suite compris ce que je devais faire ! Partir à la recherche d’Hadwide de Namur, notre Duchesse !

Fille supposée du Comte Albert II de Namur et de son épouse Regelinde de Verdun, Hadwide serait née entre 1005 et 1027 selon les historiens. On ne connait néanmoins pas grand-chose de sa jeunesse. Elle devînt l’épouse de Gérard d’Alsace (Gérard de Châtenois), fondateur de la Maison de Lorraine. Très pieuse, elle fut la bienfaitrice de l’abbaye de Remiremont et fonda avec son fils un prieuré dédié à Saint-Pierre à Châtenois. Elle mourut le 28 janvier 1080 à l’âge de 75 ans environ, une dizaine d’année après son époux et fut inhumée dans le cloître du prieuré Saint-Pierre de Châtenois. Elle serait, d’après certains généalogistes, la petite fille de Charlemagne.

Le prieuré Saint-Pierre de Châtenois fut fondé en 1069 par le Duc Gérard d’Alsace et son épouse Hadwide de Namur. Leur fils Thierry montra également une grande bienveillance envers ce sanctuaire. Une tradition remontant au début du XVIIIème siècle leur attribuait deux tombeaux placés dans le cloître du prieuré. Ils se présentaient comme des socles rectangulaires surmontés de gisants. Dom Calmet fit graver une représentation de ces sculptures qui furent détruites pendant la révolution française.

tombeau
Représentation du tombeau d’Hadwige de Namur à Châtenois

Chronologie des fouilles :

10 mars 1812 : première période de fouille sur demande de l’Empereur d’Autriche.

Un tombeau est découvert. A l’intérieur, les restes de cette princesse qui furent déposés à cette époque dans la sacristie de notre paroisse par ordre de Monsieur le Préfet, ainsi qu’il est constaté par procès-verbal du même jour. Les reliques sont déposées dans une petite boîte en bois précieux. L’Empereur d’Autriche souhaite regrouper tous les ancêtres des Habsbourg-Lorraine à Vienne en Autriche dans la crypte des Capucins. Notre petite boîte part pour Vienne via Nancy et l’église des Cordeliers. Les Castiniens et les Castiniennes protestent. Les dernières volontés d’Hadwide de Namur doivent être respectées. De Nancy, les reliques reviennent à Châtenois. La petite boîte en bois précieux contenant les reliques se trouve désormais sous la protection du curé de notre ville. Est-ce vraiment les reliques d’Hadwide de Namur ? Le doute s’installe.

Plaque en l’église de Châtenois (Crédits photo : Christophe LABAYS pour le Groupe BLE Lorraine)

1818 : deuxième période de fouilles. Les recherches s’effectuent avec l’aide des documents de Dom Calmet, bénédictin et historien lorrain :

« Nous sommes transportés à Châtenois, où étant, nous avons exhibé notre commission au maire dudit lieu, et avons ensuite en présence de ce fonctionnaire, de M. le juge de paix du canton, de M. le Curé de la paroisse, de M. Lallemand, greffier de la justice de paix et membre du conseil municipal, procédé à la visite et à l’examen du terrain sur lequel était assis le cloître du prieuré de Châtenois. Nous avons remarqué que de ce prieuré fondé par Hadwide en 1069 et reconstruit en 1741 il n’existe plus aujourd’hui qu’un corps de bâtiment dont on a formé le presbytère, lequel est attenant à l’église.

Lors de la reconstruction du prieuré qui avait été consumé par les flammes, le cloître n’a point été rebâti, en conséquence le terrain qui en faisait partie, et dans lequel les tombeaux en question devaient avoir été déposés, est maintenant découvert et sert de passage public pour aller au presbytère.

Nous avons remarqué, dans le mur extérieur de l’église joignant le même terrain, deux arcades gothiques à l’aspect du midi, l’une cintrée, l’autre en forme d’ogive sans aucune inscription, des tablettes de pierre assez basses et placées de manière à recevoir deux mausolées qui au dire de tous les assistants, y existaient autrefois, que nous nous rappelions nous-mêmes y avoir vus, mais qui ont été détruits depuis la révolution.

Dans l’un on remarquait l’effigie d’Hadwide, fondatrice du prieuré de Châtenois, dans l’autre celle de Thierry le Vaillant, son fils, qui par son testament fait en 1115, ordonna qu’on l’enterrât dans cette abbaye prés de sa mère et à la manière des princes français dont il tirait son origine.

Ayant fait pratiquer une ouverture sous la première arcade, nous avons découvert à la profondeur de trois pieds de terre (un mètre), un tombeau d’un mètre sept cent quatre-vingt-sept millimètres, cinq pieds six pouces de long sur cinquante-sept centimètres de large et quarante-huit centimètres de haut formé de plusieurs pierres de tailles, qui tiennent aux fondations de l’église. En ayant fait l’ouverture, nous y avons trouvé des ossements rassemblés et amoncelés à l’une des extrémités, sans aucun vestige de cercueil, sans aucun vêtement ni aucun autre objet, et sans inscription, ce qui nous a fait présumer que ce tombeau avait été précédemment fouillé et qu’on avait enlevé tout ce qu’il contenait, hormis le corps qu’il renfermait.

Et attendu qu’il ne se trouve point de pierre servant de fonds à ce tombeau, nous avons présumé qu’il contenait autrefois un cercueil en métal. Ayant examiné avec beaucoup d’attention les os attachés à la terre que l’humidité y avait fixé, nous nous sommes assurés que le sujet auquel ils ont appartenu était une femme d’environ trente ans. Une grande partie des dents tenaient encore aux mâchoires, toutes étaient fort bien conservées. En général, la fragilité de tous ces os note de leur ancienneté. Enfin, l’état dans lequel se trouvait la terre qui couvrait le tombeau, annonce que la fouille qu’on y a faite a eu lieu à une époque très-reculée.

Extrait du procès-verbal de la seconde période de fouilles réalisée au prieuré de Châtenois (Crédits photo : Christophe LABAYS pour le Groupe BLE Lorraine)

Ayant fait pratiquer une ouverture au bas de la seconde arcade, nous y avons trouvé à la même profondeur que l’autre, un tombeau d’une seule pierre sans couvercle, en forme de cercueil de deux mètres de long. Ce tombeau tient aux fondations de l’église et l’un des pilastres de l’arcade reposait sur la partie de la pierre qui en formait le fond. Il ne contenait que de la terre et des décombres, sans aucun ossement ni vestige de corps humain.

Nous avons conclu de toutes ses observations que le premier de ces deux tombeaux que nous avons fait ouvrir contient effectivement les restes d’Hadwide de Namur, femme de Gérard d’Alsace parce qu’il se trouve placé précisément dans l’endroit indiqué par Dom Calmet, dans son Histoire de Lorraine, du Père Benoit Picard, qui rapporte même une inscription qu’il dit avoir vue, et qui très probablement a été enlevée lorsqu’on a fouillé ces tombeaux, fouille qui selon toute apparence a eu pour motif le désir de s’emparer des objets. »

Archives de la commune de Chatenois – Même procès-verbal aux Archives des Vosges, 8. T. 3. 1818 ; 6, 7 et 8 août.

« Ce jour six août de l’an 1818, nous, Charles Joseph Alexandre Gérardin, Maire de Neufchâteau et commissaire délégué par Monsieur le Préfet des Vosges pour faire des recherches des tombeaux qui peuvent encore renfermer des restes des princes de Lorraine dans ce département, nous étant transportés à Chatenois chef-lieu de canton de l’arrondissement de Neufchâteau. Après nous être présentés chez Monsieur le Maire et Monsieur le Curé de cette commune pour leur donner communication des lettres de commission dont je suis porteur, j’ai prié ces messieurs de vouloir bien m’accompagner dans des recherches que j’allais faire aux environs et dans l’intérieur de l’église, appartenant autrefois au prieuré de Châtenois, à quoi ayant obtempérés nous avons procédé ainsi qu’il suit.

Ayant fait ouvrir une tranchée le long de la partie latérale et extérieure de l’église, à l’exposition du midi, dans l’endroit qui faisait partie d’un cloître dudit prieuré, nous n’avons trouvé que les ossements d’un ancien prieur, inhumé en 1373 ainsi que le rapporte l’inscription gothique placée dans le mur de l’église. Etant parvenu à l’endroit où existait autrefois la chapelle des princes qui fut brûlée l’an 1745 environ, sous une arcade d’architecture lombarde, où existait encore à l’époque de la Révolution la statue de la princesse Hadwide de Namur femme de Gérard d’Alsace, premier Duc héréditaire de Lorraine, nous retrouvâmes à un mètre de profondeur le tombeau de cette princesse construit en pierre de taille attenant aux fondations des murs de ladite église. »

Extrait du procès-verbal de la seconde période de fouilles réalisée au prieuré de Châtenois (Crédits photo : Christophe LABAYS pour le Groupe BLE Lorraine)

« Après avoir recueilli ces restes, aussi bien qu’il a été possible dans cette terre argileuse, je les ai rassemblés avec respect dans ledit cercueil de pierre, que j’ai fait recouvrir de larges carreaux de taille, en présence des dénommés ci-dessus, par les ouvriers Etienne Mourot de Neufchâteau et [Nivel] dis Lusignant de Châtenois qui ont signé avec nous. Après avoir fait refermer toutes ces excavations, nous avons clos le présent procès-verbal.

Fait double en présence de Monsieur le Maire de Châtenois et de Monsieur le Curé de ladite commune, qui ont signé avec nous ainsi que deux des ouvriers dénommés au présent.

A Châtenois, le huit août 1818. »

Signé : E. Gavard, Maire. Gérardin.

Le procès-verbal qui se trouve aux Archives des Vosges porte de plus les signatures d’Usunier, c. de Châtenois, de J. Nivel et de Gabriel Mourot et la légalisation de la signature de M. Gavard, Maire de Châtenois par le sous-préfet de Neufchâteau.

Me voilà donc parti sur les traces de notre duchesse.

A suivre.

Rédigé par Christophe LABAYS

Passionné d'histoire locale et membre des Amis du Prieuré et du patrimoine de Châtenois pour le Groupe BLE Lorraine.

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