Menu
in , ,

Fortifications et arts du feu à Longwy

Les fortifications de Longwy sont inscrites au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

Tout au Nord de la Meurthe-et-Moselle, à une encablure de la Belgique et du Grand-duché de Luxembourg, la petite ville de Longwy peut se vanter de figurer au patrimoine mondial de l’UNESCO, en raison de ses remparts, édifiés par un certain Sébastien le Prestre, plus connu sous le nom de Maréchal de Vauban. Comme à Lille, comme à Neuf-Brisach, à Montlouis ou sur l’île de Ré, ce dernier a laissé à Longwy un système de fortification particulièrement impressionnant. Une ville haute en somme, construite ex nihilo autour d’une place d’armes spacieuse et entourée de remparts qui dessinent, sur ce plateau battu par les vents, une véritable étoile faite de bastions, de courtines et de demi-lunes. A ce patrimoine s’ajoute une monumentalité exceptionnelle, censée témoigner à l’époque de la grandeur du Roi Soleil. Elle est principalement incarnée par la Porte de France, une des entrées de la citadelle à laquelle l’ingénieur militaire a donné, comme à Marsal ou à Phalsbourg, des allures d’arc de triomphe.

Porte de France
La Porte de France et les remparts Vauban de Longwy (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

Longwy, une des principales forteresses de Vauban sur les frontières de l’Est. Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut remonter un peu le cours du temps. Dès avant l’An Mil, un village s’étire, tout en longueur, au pied d’un premier château. C’est ce longus vicus (long domaine) que les Comtes de Bar achètent en 1292. Engagée, entre 1368 et 1378, aux Comtes de Luxembourg, la ville fusionne ses destinées avec celles du Duché de Lorraine au XVème siècle. En 1648, la place forte de Longwy est investie par les troupes de Louis XIII, qui vont l’occuper jusqu’en 1660, date à laquelle elle est restituée au Duc de Lorraine. Mais ce dernier, éternel ennemi du Royaume de France, provoque de nouvelles hostilités, qui ont pour conséquence une nouvelle occupation française de Longwy. Attribuée à la France par le Traité de Nimègue en 1678, Longwy est dès lors fortifié par Vauban selon les principes les plus modernes de la poliorcétique. Comme l’assure un dicton de l’époque « ville assiégée par Vauban : ville conquise ; ville fortifiée par Vauban, ville imprenable ».

Mais à Longwy, ce n’est pas tout-à-fait vrai. Malgré ses remparts audacieux et ses larges et profonds fossés, la ville va de nouveau être assiégée, et prise, le 23 août 1792, par les troupes du Duc de Brunswick. Ou, plutôt, par la population longovicienne qui ouvre les portes de la citadelle par peur d’avoir à subir un terrible bombardement. En juillet 1815, la ville est une nouvelle fois assiégée par les soldats du Prince de Hesse-Hombourg. En 1871, elle est pilonnée par l’artillerie prussienne, qui lui envoie quelque 30 000 obus en huit jours ! Et du 21 au 26 août 1914, la ville, avec ses fortifications devenues vétustes, commandée par le Colonel Darche résiste encore au terrible bombardement allemand, avant de se résoudre à hisser le drapeau blanc. Située aux avant-postes de la France, pareille à une sentinelle dont le rôle était de repousser, ou tout au moins de ralentir la progression ennemie, la citadelle de Longwy a donc eu à subir, au cours de son histoire, pas moins de sept fois le feu ennemi !

Le haut-fourneau couché de Longwy (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

Il faut dire que Longwy et le feu, c’est une longue histoire aussi. Le feu des hauts-fourneaux tout d’abord, qui vont s’implanter à Longwy dès 1848, avant la création, en 1881, de la Société des Hauts-Fourneaux de la Chiers, dont l’activité sidérurgique fera vivre des milliers d’ouvriers dans le bassin de Longwy.

Feu des hauts-fourneaux donc … Et feu qui sert à fabriquer les célèbres émaux. Fondée en 1798 par Charles Régnier, la faïencerie de Longwy a connu, comme bien des usines, des hauts et des bas. Sous l’Empire, elle fabrique les services de table destinés aux maisons d’éducation de la Légion d’Honneur. Vendue dès 1816, l’usine est acquise par Jean-Antoine de Nothomb. Dans les années 1870, la mode étant à la vaisselle d’inspiration asiatique, on fait venir à Longwy un certain Amédée de Caranza, artiste orientaliste qui va développer la technique de l’émail cloisonné. Les fameux émaux de Longwy, tels qu’on les connaît encore aujourd’hui, venaient de naître. Au gré des modes et des époques, la manufacture va s’adapter, tout au long du XXème siècle, à une clientèle exigeante et, il faut bien le dire, quelque peu fortunée. Car les émaux de Longwy sont rares, donc chers. En 2015, l’usine accuse de sérieux problèmes financiers. Elle est placée en redressement judiciaire, avant d’être rachetée, à la fin de cette même année, par le groupe Emblem, qui créé la « Manufacture des Emaux de Longwy 1798 ».

Emaux de Longwy (Crédits photo : Vassil)

Par sa production unique et raffinée, la manufacture des émaux de Longwy est aujourd’hui reconnue comme patrimoine immatériel vivant de France. A Longwy même, la création d’un musée permet désormais aux visiteurs de découvrir un savoir-faire aussi précieux qu’original. Des visiteurs qui, s’ils veulent acquérir une ou deux pièces en émaux de Longwy, feront bien de revenir le jeudi de l’Ascension. C’est à cette date en effet que l’association des collectionneurs d’émaux a coutume d’organiser une grande bourse aux émaux. Un événement unique, qui confirme que Longwy est riche d’une histoire et d’un savoir-faire … tout feu, tout flamme !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

Répondre

Quitter la version mobile