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Le mystère des triangles de Faulquemont

Les triangles découverts à Faulquemont restent toujours une énigme (Crédits photo : Thomas RIBOULET pour le Groupe BLE Lorraine)

L’histoire de la découverte de ces mystérieux triangles de Faulquemont débute en l’été 1972, date à laquelle je décidais de creuser un bassin d’agrément derrière ma maison, alimenté par l’eau du toit et qui me servirait également à arroser mon jardin. J’étais alors loin d’imaginer qu’un jour je créerais un musée, écrirais deux livres d’histoire locale, ferais des conférences et des expositions … Ma seule préoccupation de l’époque était simplement de creuser un trou pour réaliser le travail que j’avais projeté de faire.

Plutôt que de me servir d’une bêche dans ce terrain argileux, je jugeais plus astucieux de passer un coup de fraise sur l’ensemble de la surface qui serait ainsi plus aisée à déblayer à l’aide d’une pelle. Au premier passage dans la terre arable, sur une épaisseur de quinze à vingt centimètres, je ne constatais rien de particulier, mis à part les traditionnels déchets de la vie moderne. Mais lors du deuxième passage, dans l’argile brune cette fois, mon attention fut attirée par une pierre de forme triangulaire. Croyant à un caprice de la nature, je la mis tout d’abord de côté pour la montrer à mon épouse ultérieurement. Mais, j’en trouvais ensuite une deuxième, puis une troisième. De quoi interpeller mon esprit curieux. J’en déduisis que ce ne pouvait pas être un caprice de la nature, mais bien le fait de la main de l’homme. D’autant plus que sur cette surface d’environ soixante de mètres carrés, je n’ai trouvé finalement qu’une dizaine de pierres dont la forme n’avait pas retenu mon attention, et je le regrette maintenant.

Pendant un certain temps, j’ai pensé qu’il s’agissait de polissoirs, mais après réflexion, je me suis dit qu’un polissoir n’avait pas besoin d’être triangulaire pour remplir son office et qu’il me fallait percer ce mystère.

Jean-Louis Philippe
Jean-Louis PHILIPPE a découvert de nombreux artefacts à Faulquemont et dans ses environs (Crédits photo : Groupe BLE Lorraine)

A l’automne, après les labours, j’ai débuté mes prospections de surface aux alentours pour voir si je pouvais trouver des choses qui ressembleraient à ma première découverte. Je suis tombé très vite sur un endroit où les pierres avaient un autre aspect que la simple caillasse que l’on rencontre habituellement. Les années suivantes, j’ai élargi mes recherches sur une cinquantaine d’hectares environnants. Le problème était que je ne savais pas exactement ce que je cherchais et quelle forme pouvait avoir l’objet de mes recherches, le sujet n’ayant jamais été traité et décrit, à ma connaissance du moins. C’est ainsi que pendant de nombreuses années, j’ai dû laisser passer des éléments qui auraient certainement mérité que je les ramasse.

Les choses sont bien plus claires dans mon esprit aujourd’hui. Mais des questions se posent encore …

En effet, j’ai trouvé sur une surface de quelques ares un certain nombre de calcaires qui ne me semblaient pas naturels. Pendant plus de quarante ans, j’ai collecté des artefacts en me fixant comme unique protocole de ne jamais considérer comme intéressants les objets dont je n’avais pas découvert au moins deux exemplaires semblables.

Artefacts calcaires découverts à Faulquemont (Crédits photo : Jean-Louis PHILIPPE pour le Groupe BLE Lorraine)

Des triangles

Chemin faisant, j’ai remarqué des artefacts en forme de triangles réalisés en calcaire coquiller, ce qui exclut à mon avis le fait qu’ils puissent être naturels. J’en ai d’ailleurs trouvé un en grès de Longeville-lès-Saint-Avold, au même endroit que les autres, ce qui démontre une volonté anthropique d’aller chercher ce minéral à dix kilomètres de là pour le façonner et le laisser à l’endroit où je l’ai découvert. Quelle était la fonction de ces objets ? Force est de constater qu’ils ne semblent pas avoir été utilisés comme des outils. Il faut donc envisager une utilisation cultuelle ou culturelle. Le triangle n’étant pas une forme que l’on trouve fréquemment à l’état naturel, la création d’une telle figure géométrique devait être l’expression d’une intention ésotérique. J’ai d’ailleurs découvert, bien plus tard, une des techniques de façonnage de ces triangles.

Pourquoi avoir utilisé du calcaire ?

Parce qu’il n’y a pas de silex valable dans le secteur, ni même de quartz ou quartzite de taille utilisable. Le seul silex que l’on trouve dans la région est celui du Muschelkalk qui se présente sous forme de petits nodules inférieurs à huit centimètres souvent enrobés d’un épais cortex d’un centimètre. Pour les quartz et quartzites, il faut aller les chercher dans le Buntsandstein à Longeville-lès-Saint-Avold.

Explication d’une des techniques de fabrication des triangles

Pendant plus de trente ans, je me suis interrogé sur la finalité de deux calcaires découverts tout au début de mes prospections et dont l’origine humaine m’était évidente. Je les avais trouvés à la même époque et au même endroit qu’un triangle. On y remarque à trois endroits, des morceaux de coquillage qui dépassent de la surface lisse. Ils sont les témoins de l’érosion par dissolution qui est intervenue entre le moment de leur fabrication et notre époque. En présence d’artéfacts de calcaire, il faut toujours tenir compte de cette érosion, variable selon la nature desdits calcaires, et qui, d’après mes observations, peuvent atteindre plusieurs millimètres pour le Néolithique.

Les triangles étaient fabriqués à partir d’un palet poli et grâce à un silex (Crédits photo : Jean-Louis PHILIPPE pour le Groupe BLE Lorraine)

La découverte d’un palet il y a une dizaine d’année m’a permis de comprendre une technique de fabrication des triangles. Ce type de palet était réalisé par polissage. Puis à l’aide d’un silex, il y était gravé un sillon de chaque côté pour créer une ligne de faiblesse. Les parties étaient ensuite séparées et la finition des côtés se faisait par polissage également. On remarque que le sillon creusé est en V.

Minéraux utilisés pour la fabrication d’outils

Il faut savoir qu’au Néolithique, cela faisait déjà au moins 5 000 ans que des humains s’étaient sédentarisés dans notre région, pratiquant l’élevage et l’agriculture. Ils vivaient dans des villages reliés par des sentiers. Des langues locales ou régionales avaient fini par voir le jour et servaient aux tractations sous forme de troc. Si le silex local du Muschelkalk, se présentant sous forme de petits nodules enrobé d’un épais cortex calcaire, fut utilisé au Mésolithique, son usage fut par la suite pratiquement abandonné au Néolithique, remplacé par des minéraux exogènes provenant d’autres régions voisines (silex, phtanite, etc.).

Rédigé par Jean-Louis PHILIPPE

Archéologue, historien et conférencier amateur. Fondateur et gérant du Musée Local de Faulquemont.

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