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Le marché de l’immobilier thionvillois dans le collimateur de la justice

Plainte déposée, soupçon de favoritisme, non mise en concurrence, irrégularités dans l’établissement d’actes notariés, mauvaises estimations de la valeur du foncier, manque de cohérence dans les prix pratiqués, etc. D’aucun dénonce que le marché de l’immobilier serait complètement verrouillé dans la région de Diddenuewen (Thionville). Pour certains professionnels qui ont saisi la justice, seuls quelques promoteurs et lotisseurs se partageraient le gâteau.

Fin 2017 et début 2018, une polémique avait déjà alimenté de vifs échanges au Conseil Municipal de Thionville après que la Ville ait vendu 1,3 millions d’euros 5,88 hectares de terrain, dont elle n’était même pas le propriétaire – le propriétaire étant sous tutelle et le juge n’a pas validé, alors que certains conseillers et promoteurs situaient plutôt sa valeur autour de sept millions d’euros en raison de sa situation géographique exceptionnelle. La parcelle en question se trouve en effet Rue Laydecker, en bordure de l’autoroute A31, derrière la concession Audi. Le promoteur Habiter Promotion et le groupe Demathieu Bard envisagent d’y élever un vaste ensemble constitués de 300 logements, ainsi que de 7 500 mètres carrés de bureaux et d’immeubles d’activités.

Il faut dire que même après la crise économique de 2008, le marché de l’immobilier ne s’est pas effondré autour de l’ancienne métropole du fer de Lorraine. Si bien qu’aujourd’hui, s’il reste encore quelques opportunités à saisir, les places sont chères. Le dossier est particulièrement sensible dans la région, a fortiori proche de la frontière luxembourgeoise. A ce jeu, des personnes averties, telles que certains promoteurs, feraient fortune depuis une quinzaine d’année avec des biens fonciers ou immobiliers préemptés à bas prix, voire expropriés dans certains cas, et cédés en direct sans appel à candidatures ou informations publiques. Les transactions seraient ainsi conclues de gré à gré dans la plus totale discrétion. Prises indépendamment, celles-ci se situeraient en dessous du seuil de déclenchement des procédures formalisées, alors que pris dans leur globalité, ces mêmes marchés auraient dû donner lieu à une mise en concurrence. Deux poids, deux mesures entre les différents lotisseurs et promoteurs de la place, où des biens seraient cédés à la moitié de leur valeur réelle. Au final, ceci conduirait à un enrichissement extraordinaire et ostentatoire de quelques individus qui se partageraient ainsi des dizaines de millions d’euros. Ce qui irait à l’encontre de la liberté d’entreprendre et occasionnerait des pertes sèches pour les autres acteurs privés et les collectivités au point d’en amener certaines à devoir augmenter les taxes locales. Certains conseillers et avocats pointent par exemple d’ailleurs du doigt l’augmentation de près de 25 % des taxes à Thionville et à Yutz en 2016.

En coulisses, ceux qui se considèrent comme écartés de cette absence de mise en concurrence des acteurs immobiliers critiquent un système bien huilé, opaque et difficilement identifiable et compréhensible pour la plupart des élus et le grand public. Un système gravitant autour de quelques sociétés, co-entreprises et de leur filiales, mais bien souvent gérées par les mêmes personnes. Certains citoyens commencent à s’interroger, d’autres sont exaspérés. Une plainte contre X pour manquements au devoir de probité et octroi d’avantage injustifié a même été déposée auprès de Madame le Procureur de la République au Tribunal de Grande Instance de Thionville. En cours d’instruction, l’affaire est d’ordre pénal avec constitution de partie civile. Le dossier devrait très prochainement être envoyé au Doyen des Juges d’Instruction pour enquête. La Direction générale des finances publiques de Metz et le Tribunal Administratif ont quant à eux été également alertés il y a quelques mois.

Alors que tous ont à présent les yeux rivés sur le futur quartier de la rive droite de la Moselle à Thionville ou sur le secteur gare qui comportent tous deux des biens exceptionnels, certains attendent désormais que la justice fasse la lumière sur les pratiques du marché immobilier de la région. A noter enfin qu’en parallèle, l’association anticorruption Anticor Moselle s’est également emparée du dossier. Déjà sollicité à propos du SYDEME (Syndicat des DEchets ménagers de Moselle-Est), celle-ci a récemment réussi à faire annuler le non-lieu de François Grosdidier dans l’affaire de la réserve parlementaire du sénateur mosellan.

Rédigé par Thomas RIBOULET

Président-fondateur du Groupe BLE Lorraine et Rédacteur en Chef de BLE Lorraine.

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