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Marque de territoire de Metz : chronique d’un échec annoncé

Il y a quelques jours, les élus de la Communauté d’Agglomération de Metz Métropole ont lancé en grandes pompes leur nouvelle marque territoriale. Baptisée « Inspire Metz », celle-ci se présente graphiquement dans les tons bleus et blanc par un improbable quadrilatère qui ne ressemble à rien. Nous allons nous aussi user de l’anglicisme pour jouer notre rôle de Think Tank et vous expliquer pourquoi cette marque territoriale s’apparente déjà à un échec annoncé. Bien entendu, cela ne reflète que notre point de vue que nous soumettons à qui veut bien l’entendre.

Certes, au départ, l’idée est bonne. Celle de donner une image positive à l’agglomération de Metz encore trop souvent méconnue, voire complètement galvaudée par des préjugés liés à des considérations météorologiques, à une sidérurgie qui n’est jamais venue jusqu’à-là ou à des casques à pointe qui coifferaient la tête de ses habitants. Cette bataille de l’image, pour la Lorraine en général, nous l’a recommandons depuis près de dix ans. Mais entre la théorie et la pratique, il y a parfois un fossé que l’armée « metzicaine » n’a apparemment pas réussi à franchir.

Le slogan/marque « Inspire me », « Inspire Metz » a néanmoins l’avantage de se décliner quasiment à l’infini et en d’innombrables jeux de mots grâce au très individualiste et tout aussi narcissique « me », moi en anglais. On repassera donc pour mettre en avant les valeurs collectives et solidaires de Metz et des Messins. Symptomatique d’une époque, celle du selfie sans doute. Certains condamneront le recours à l’anglais pour vanter une ville située à cinquante kilomètres de l’Allemagne et du Luxembourg et qui se veut le fer de lance des relations franco-allemandes. Nous non. En effet, pour qui veut promouvoir la cité au-delà des frontières européennes et des océans et attirer des investisseurs chinois et américains, l’anglais, incontournable langue internationale, s’avère nécessaire. Qui plus est, la plupart des dirigeants d’entreprises allemands parlent couramment anglais. Par contre, mettre en ligne un site internet chargé de promouvoir cette nouvelle marque à l’international uniquement en français soulève quand même un certain paradoxe sur lequel nous ne nous éterniserons pas. Peut-être n’est-ce qu’une farce.

Mais revenons à des choses plus fondamentales et lexicales. Nous disions donc « Inspire me », « Inspire Metz ». Là, on a un problème. Déjà, concrètement à qui parle et à qui s’adresse l’interlocuteur ? C’est la question. Plus grave, celui ou celle à qui s’adresse cette injonction est censé inspirer notre interlocuteur et aussi Metz. Autrement dit, si l’on s’en tient littéralement à ce qui est écrit, tout en extrapolant un peu, les concepteurs de la marque demandent à ce qu’autrui vienne à Metz pour inspirer Metz car apparemment les Messins n’ont pas franchement d’inspiration. C’est très vendeur comme slogan : «  A Metz, on n’a pas d’idée, alors venez nous inspirer ! » C’est tout le contraire du message que la marque est censée véhiculer. Au final, ce sont bien ceux qui ont pensé cette chose qui semblent justement manquer d’inspiration. Problématique quand on souhaite faire passer le message que Metz est à la pointe de l’innovation artistique, culturelle et technologique, non ?

De même, l’espèce de quadrilatère désarticulé qui encadre la marque est apparemment censée symboliser la place de Metz dans le QuattroPole, ce réseau de villes frontalières constitué de Luxembourg, Metz, Sarrebruck et Trèves, qui doit assurément parler à beaucoup de Messins, Lorrains, Français, Chinois et Américains tellement il est connu et développé. Le problème, c’est que ce fameux QuattroPole n’évoque pas grand-chose au quidam du coin et encore moins aux potentiels investisseurs étrangers. Alors y faire référence et en accorder une telle importance dans la représentation de la marque relève de la gageure. Tout au plus les amateurs d’art penseront à une toile abstraite de Kandinsky exposée au Centre Pompidou-Metz. Cela ne marche pas comme ça. Pour qu’une marque territoriale fonctionne, soit reconnue et soit reconnaissable aussi bien par les habitants du territoire que par des gens de l’extérieur, elle doit nécessairement reposer sur quelques chose qui fait l’identité du territoire en question. Sinon, personne ne pourra s’y identifier et justement s’en inspirer. Quand on sait que Metz est une ville trois fois millénaire qui dispose de symboles forts et puissants comme la Croix de Lorraine, le Graoully, voire la mirabelle, c’est dommage de ne pas avoir restylisé l’un de ces éléments d’un trait contemporain. Alors certes le Graoully ne va pas forcément parler non plus à un Chinois. Mais le Graoully est un dragon et le dragon en Chine, ça fait sens. Et c’est toute la différence. Quitte à dépenser 120 000 euros pour créer une marque, autant faire en sorte qu’elle soit porteuse de sens.

C’est bien là le dernier problème. La marque « Inspire Metz » semble ainsi plus relever d’un nouveau gadget politique pour amuser la galerie qu’un réel vecteur de développement économique. Comment ne pas s’en convaincre au regard de la soirée de lancement privée de la marque organisée dans les locaux d’IKEA à La Maxe pour un montant de 60 000 euros ? Avec 700 invités triés sur le volet. On ne peut pas envisager une seule seconde et sérieusement que le peuple s’approprie la marque quand 700 cravates et talons aiguille la confisquent au frais de la princesse. 60 000 euros, c’est le prix de deux grands sapins de Noël Place de la Gare à Metz pour illuminer les fêtes de fin d’année de milliers d’enfants et de visiteurs. Un choix politique, on vous dit …

Rédigé par Thomas RIBOULET

Président-fondateur du Groupe BLE Lorraine et Rédacteur en Chef de BLE Lorraine.

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