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Môôôn, la saprée tôrée de la Marie !

Traditionnellement, le Lorrain est un individu qui croit en Dieu. Il va régulièrement à la messe le dimanche, les femmes se rendent tous les samedis à confesse. Tout un chacun mange du poisson le vendredi, on baptise les bébés et on offre sa première montre au premier communiant. On se marie en blanc et on agite le goupillon au-dessus du défunt en attendant de le passer à son voisin. Pas le défunt, le goupillon.

Mais, traditionnellement, le Lorrain est aussi affublé d’un fichu caractère. Les hommes, lesquels sont toujours moins sournois que les femmes, débitent des jurons à tout bout de champ. Tout en crachant par terre.

Ces deux caractéristiques sont incompatibles : on ne peut pas jurer le nom de Dieu si l’on croit en Dieu ! C’est un des sacrés commandements et un rédhibitoire péché mortel. Les Français de l’intérieur ont depuis toujours réglé le problème. Au lieu de s’exclamer : « Sacré Dieu ! », ils masquent leur blasphème en proférant « Sacrebleu ! ». Toujours tout en crachant par terre. Le très archaïque « Palsambleu ! » n’est qu’une hypocrite déformation du solennel « Par le sang de Dieu ! »

– Mais où voulez-vous donc en venir ? demanda un lecteur intrigué.

– A ceci ! répondit le linguiste. Les jurons typiquement lorrains « Vainrat ! » ou « Vinguette ! » n’ont pas d’autre explication.

En ce qui concerne « Vainrat », on est en droit de se demander ce que viennent faire les rats dans cette galère. Certes, c’est un animal traditionnellement associé à Satan mais l’allusion reste pour le moins énigmatique. A moins qu’il ne s’agisse du dieu égyptien Râ, mais la culture encyclopédique des Lorrains est rarement aussi étendue. Sauf chez les professeurs de collèges. « Vainguette » est plus transparent. « Guette » est une francisation du « Gott » signifiant « Dieu » en Allemand. Reste le cas du morphème commun « vain ». S’agit-il de « vain » signifiant inutile qui évoquerait un Dieu ne servant à rien, ou du « vingt » numéral qui rejetterait le monothéisme au profit du polythéisme ? Là, c’est un grand mystère !

Cerise sur le gâteau, la célèbre interjection emblématique lorraine « Môn ! ». Que les Meusiens prononcent « Môôôn !!! » et les Vosgiens « Môôôôôôn !!!!!! ». Il s’agit tout simplement d’une apocope de « Mon Dieu ! »

Vainrat, s’exclama la Marie, moi je dis « Môôôn » au moins quarante-cinq fois par jour ! Si c’est un juron au Bon Dieu, il va encore falloir que j’aille tous les soirs à confesse ! Et si je ne dis plus « Môôôn ! » à tout bout de champ, à quoi qu’on va donc reconnaître que je suis une vraie Lorraine ?

Rédigé par Jean-Paul BOSMAHER

Professeur de lettres à la retraite et écrivain pour le Groupe BLE Lorraine.

M. BOSMAHER est l’auteur de plusieurs ouvrages de références sur la Lorraine, dont notamment le « Parler Lorrain » paru en 2014 aux Editions du Quotidien.

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